jeudi 31 janvier 2019

Lectures Chuck PALAHNIUK-Peste


Chuck PALAHNIUK
Peste
Traduit de l’américain par Alain Defossé

(4ème de couverture)
Mais qui est donc Buster Casey, alias Rant ? Dans un futur où une partie de la population est « diurne » et l’autre « nocturne » selon un couvre feu très strict, « Peste » prend la forme d’une biographie orale faite de rapports contradictoires émanant de témoins qui ont connu le mystérieux Buster de près ou de loin. Garçon aux mœurs étranges, friand de morsures animales en tous genres pour certains, génial tueur en série ou répugnant individu pour d’autres, le véritable Buster Casey semble, au fil des récits, de plus en plus insaisissable et protéiforme. De quoi alimenter le mythe…

Dans ce roman, sorte d’éloge funèbre chanté par un chœur constitué d’amis, de voisins, de policiers, de médecins, de détracteurs et d’admirateurs, Chuck Palahniuk explore les tréfonds de la vie moderne et dresse le portrait en creux d’une Amérique en mal de repères. Evangile subversif et grotesque où le rire donne la réplique à l’horreur, « Peste » décrit un monde qui marche sur la tête, où la vie est à mourir d’ennui et la mort positive et créatrice.

Chuck Palahniuk est une des figures majeures de la littérature américaine contemporaine : l’univers noir et extrême de ses romans, parfois portés avec succès à l’écran comme « Fight Club » ont fait de lui un auteur culte. Il vit dans l’Etat de Washington et se consacre à l’écriture. Après « Choke », « Le Festival de couille », et « A l’estomac », « Peste » et le quatrième ouvrage de Palahniuk publié chez Denoël.

(1ere phrase :)
Wallace Boyer(Vendeur de voitures) : Comme la plupart des gens, je n’ai pas rencontré ni parlé à Rant Casey avant sa mort.

(Dernière phrase :)
Toni Wiedlin (chauffarde) continue de participer aux Nuits de Crashing, mais nie toutes les rumeurs selon lesquelles elle en serait devenue l’organisatrice.

438 pages – Editions Denoël & d’Ailleur 2007 pour la traduction française

(Aide mémoire perso :)
« Peste » est la biographie documentaire de Buster Casey, dit Rant, soit le plus grand serial killer de tous les temps, à moins qu’il ne soit qu’un sombre crétin dégénéré de Middletown, à moins qu’il ne soit qu'un génial voyageur spatio-temporel aux pouvoirs divins, à moins qu’il ne soit le seul mec capable de déterminer le détail du dernier repas d’une femme après un cuninlingus, à moins qu’il n’ait jamais existé.

Les documentaires télévisés américains sont friands de ce genre de biographie "orale" : une longue succession d’interviews croisées vient dresser le portrait en creux d’une rock star décédée ou d’un homme politique ou d’un criminel important. Quelques photos par-dessus en zoom avant, et voilà de quoi remplir une heure de TV à peu de frais. Une heure, sans compter la pub.

Chuck Palahniuk adopte ce format, ou son équivalent écrit, pour raconter Buster Casey. Ou plutôt pour établir sa légende.

Disons le immédiatement : le parti pris à ses limites. Page après page, un foutoir décousu de propos contradictoires esquissent l’évangile d’un type dont on ne saura jamais s’il était une divinité ou un paumé crado. Drôle, serré.

Palahniuk n’a pas que des amis.

Depuis « Fight Club », il écrit souvent où on l’attend : bourré d’idées publicitaires, simple et efficace, toujours semé d’un doigt de porno ou de violence, méchant pour l’Amérique - on pourrait appeler ça de la trash-réalité. Forcément, on aime.

Depuis « Fight Club », ses ficelles sont bien identifiées : débusquer le ridicule de nos petites misères de citoyens noyés dans la masse et le consumérisme, avec ici et là des éléments de vérité souvent tirés de la presse ou de son boulot de journaliste ou de recherches documentaires. Voilà pour la réalité. Et puis aller dans la chair pour jouer sur les contrastes entre l’anonymat de nos corps et la violence des fluides vitaux [sueur, sperme, sang]. Voilà pour le trash.

A côté de ça, faut reconnaitre, Palahniuk frappe rarement à côté : il a beau cabotiner, sa prose percute particulièrement bien les esprits. On est pas obligé d’aimer, mais on ne peut pas cracher dessus.

« Peste » ne déroge pas à ces quelques principes, le format de la "biographie orale" est intéressant.

Buster Casey est un jeune américain dont les amis d’enfance, les parents, les rencontres amoureuses, le shériff, les voisins, les ennemis, un Historien, bref une bonne trentaine de personnes, nous brosse l’histoire, sa mort étant donné pour acquise d’entrée de jeu.
L’amusant est dans les contradictions de ces "témoignages". Le mythe naît du doute, de la répétition et de l’inexplicable. Chaque chapitre tresse anecdotes, on-dits, mensonges et calomnies.

Buster Casey enfant transforme la fête d’Halloween en vraie exposition d’abats animaux. Buster Casey adolescent joue à plonger son bras dans les terriers du désert, parce qu’il aime se faire piquer/mordre/griffer par tout ce qui passe, avec une préférence pour les araignées. Buster Casey jeune homme séduit tout ce qui passe, homme ou femme, et lègue à chacun un échantillon de maladie rare et de virus dangereux.

C’est drôle, documenté [méthode Palahniuk : s’ancrer dans le réel] et ça se lit tout seul. Buster Casey a des érections si gênantes en classe qu’il en fait un prétexte d’exemption. Buster Casey trouve des trésors dans de vieux pots de peintures. Buster Casey disparait sans laisser de trace dans un spectaculaire et télévisé accident de la route.

« Peste » est truffé de bonnes idées [de quoi écrire trois bouquins pour d’autres]. Lorsque des théories de voyage dans le temps s’immiscent dans l’intrigue, ça dérape total. La partition entre les diurnes et les nocturnes imaginée par Palahniuk semble collée par-dessus. Les Nuits de rentre-dedans collectif en bagnole envahissent les pages.

J’ai aimé les conseils du marchand de voitures pour capter l’attention du client [ça sent le vécu à plein nez, méthode Palahniuk]. J’ai aimé le basculement de l’économie locale aux mains des enfants soudains richissimes [très drôle].

J’ai aimé ce livre.

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