samedi 31 janvier 2015

Dessins de presse


Dessins de presse

Billets-Apologie du terrorisme à 8 ans


Apologie du terrorisme à 8 ans

Apologie du terrorisme à 8 ans : manipulation médiatique et consignes ministérielles.
D’abord, la totalité des médias ont titré « un enfant de 8 ans entendu par la police ». Alors qu’évidemment, c’est plutôt le père qui a été convoqué avec son fils. Mais c’est plus banal et moins accrocheur.

Ensuite, le père est venu avec « son » avocat. Car il est très commun qu’un citoyen lambda, convoqué pour être entendu par la police, se déplace avec son avocat, qui a d’ailleurs tenu au courant ceux qui pouvaient le lire sur twitter.

Comme le hasard fait bien les choses, c’est ensuite France Info qui signale que le Comité contre l’islamophobie « suit le dossier ». On serait à l’affût du moindre événement sortant de l’ordinaire on ne s’y prendrait pas autrement.

Bref, tout est mis en œuvre pour que l’on constate que, ciel, il y a des enfants qui prononcent un mot interdit ; et avec émerveillement que l’État met tout en œuvre pour lutter contre le terrorisme.

Cette affaire comporte cependant un élément plutôt stupéfiant : l’école a fait un signalement parce qu’un enfant de 8 ans semait le trouble en soutenant le terrorisme et que son père prenait assez mal les remontrances. Des instituteurs, un directeur, du personnel, se sentent dans l’obligation de prévenir la police (certes il y a des consignes ministérielles, avec tous ces dépliants et ces sites qui expliquent à quoi on reconnaît un futur djihadiste), se déchargeant par là-même de leur autorité et de leur responsabilité. Ils appellent au secours un autre service de l’État pour gérer une situation qui les a dépassés. Ou pour faire du zèle en appliquant à la lettre les consignes ministérielles.

Voilà pourquoi on en est là aujourd’hui : parce que si même des enseignants lèvent le doigt pour crier « monsieur l’agent, venez vite, le garçonnet il a dit un gros mot », c’est qu’il y a un problème non seulement dans le système scolaire, mais aussi dans le recrutement du personnel enseignant.

Qu’un gamin tente de franchir la ligne rouge d’une façon ou d’une autre (comportement, agressivité verbale, voire physique si aucune opposition ne se produit) est un phénomène quotidien à l’école, et même qui se produit à longueur de journée. C’est un test. L’enseignant qui ne passe pas ce test et appelle tout de suite quelqu’un d’autre prouve qu’il ne sait pas gérer la situation et qu’il s’est trompé dans son choix professionnel.

Dans tous les cas faire des signalements ne peut pas être la solution magique pour résoudre le problème. Cela montrera simplement l’agitation des ministres qui s’évertuent à « faire quelque chose », un peu comme un médecin face à un malade incurable à qui il rédige quand même une petite ordonnance pour ne pas s’avouer à lui-même qu’il ne peut pas le soigner et qu’il n’y a rien à faire.

Avant l’histoire de Charlie Hebdo, ce type de trouble à l’école existait déjà. Point n’est besoin de prononcer le mot « terrorisme » pour avoir un comportement déplacé. Alors que faisaient les enseignants avant ? Soit ils ne faisaient rien, et cela confirmerait qu’on tolérait certains discours, sans se tenir pour personnellement responsable du climat qui règne dans une classe.

Soit ils sévissaient en toute discrétion. Et l’intervention de l’État pour régenter dorénavant ce qui se passe à l’école aboutit exactement à cela : les enseignants ne prendront plus de mesure par eux-mêmes mais feront appel à l’instance officiellement chargée du terrorisme. Puisque le mot a été prononcé. Donc en renforçant les mesures de « détection » des élèves « problématiques », l’État enlève aux enseignants le peu d’autorité qu’ils avaient encore.

Exactement comme l’État a enlevé à ces pères venus du Maghreb leur autorité sur leurs enfants, en les faisant convoquer pour la moindre fessée, substituant à leur autorité qui s’exprimait sur un mode différent (qu’on peut avoir envie de contester ou non) le laxisme post-soixante-huitard, sur le mode « les enfants doivent s’exprimer » ou l’infantilisant « vous n’avez pas le droit de … ».

Non, décidément, quand l’État intervient au lieu de laisser à chaque individu son bon sens et sa responsabilité, et qu’il érige en politique nationale un comportement délateur, on court à la catastrophe.


Source contrepoints.org

Billets-Sénat : au club des rois fainéants


Sénat : au club des rois fainéants

Certains diront que le Sénat est inutile. Pour beaucoup de Français, c’est une maison de retraite pour un personnel politique âgé, le refuge de politiques recalés du suffrage direct ou un repaire pour truands protégés par l’immunité parlementaire. Pour d’autres, il est indispensable à l’équilibre démocratique de notre système parlementaire.

En sus de son traitement mirifique, le sénateur bénéficie de toute une série de commodités. À la Chambre haute, on trouve, entre autres, un restaurant et sa célèbre cave à vin (quelques milliers de bouteilles), un salon de coiffure, une lingerie, une salle de sport (souvent vide), un labo photo et même un atelier d’ébénisterie…

Non seulement les sénateurs sont très bien logés quand il leur advient d’être à Paris (une dotation de 75 euros par jour leur est versée) mais ils peuvent aussi bénéficier de prêts avantageux pour l’achat d’un logement… Jusqu’à 75 000 ou 150 000 euros selon la région, au taux annuel de 2 % sur 18 ans. De quoi donner du baume au cœur des 3,6 millions de Français mal-logés…

Le Sénat buissonnier
Le plus scandaleux est que les sages de la Haute assemblée y mettent rarement les pieds. Seule une soixantaine de sénateurs sont assidus aux séances publiques. Pour leur défense, ces élus expliquent que le vrai travail parlementaire se déroule en commission et pas en séance. L’article 15 alinéa 3 du règlement du Sénat stipule qu’en cas de trois absences consécutives d’un sénateur dans la commission dont il est membre, son indemnité de fonction pourra être réduite de moitié. Malheureusement cette disposition n’a jamais été appliquée. De toute façon, ceux qui suivent les séances publiques du Sénat auront pu le constater, les sénateurs écoutent rarement l’orateur, trop occupés qu’ils sont à bavarder avec leurs voisins ou à s’occuper de leurs affaires personnelles.

Les heureux résidents du palais du Luxembourg n’ont aucune excuse pour expliquer ces absences. Comme pour les députés, chaque sénateur peut profiter de la gratuité du réseau SNCF et en 1ère classe (demi-tarif pour les conjoints) ainsi que 46 allers-retours en avion, en France métropolitaine. À Paris, chaque élu bénéficie de 3 000 euros de frais de taxi par an, d’une carte gratuite pour le métro et surtout du parc auto du Palais (une vingtaine de voitures à 45 000 euros l’unité).

« Le Sénat est le seul club que je connaisse où l’on paye la cotisation des membres ». Un sénateur
D’autres facteurs expliquent ces absences. Il existe 78 « groupes d’amitié » avec les pays étrangers. Ils permettent aux sénateurs de partir en voyage tous frais payés (et souvent en famille). Le travail sur place laisse beaucoup de temps libre pour les activités touristiques. Chaque sénateur peut adhérer à autant de groupes qu’il le désire. Il leur est demandé une cotisation annuelle de seulement 19 euros par pays. Et c’est sans compter les quelques dizaines de « groupes d’étude », à l’intitulé sympathique, comme « les arts de la rue et du cirque » ou « la chasse et la pêche ». Ces groupes sont le lieu d’intrigues de couloir et de lobbying, dont le Sénat est le carrefour.

La réserve parlementaire
Parmi les multiples ressources du Sénat, la réserve parlementaire (qui sert à financer des associations et des collectivités dans les circonscriptions) est comme la partie émergée de l’iceberg. Elle s’élève, selon les spécialistes du sujet, à 150 millions euros, Sénat et Assemblée nationale confondus. Le crédit de cette caisse, caché à l’intérieur des budgets de différents ministères, ne sert qu’à acheter les électeurs… Le vrai pactole, est celui de la caisse de retraite des anciens sénateurs qui se monterait à quelque 500 M euros.

Une retraite en platine
En moyenne, un sénateur touche 4382 euros nets par mois pour une obligation de cotisation de seulement 15 ans. La retraite maximum peut atteindre 6000 euros mensuels pour 25 ans de cotisation. Pour bien se rendre compte, après un mandat de six années, un sénateur recevra 1869 euros de pension. Cette somme est supérieure à ce que perçoit un Français du privé après 40 ans de cotisation. La réforme de 2010 ne change quasiment rien, si ce n’est l’âge légal de départ en retraite. Les veuves et veufs, pour leur part, touchent 66 % de réversion, taux le plus élevé de France… À force de privilèges, la douloureuse du Sénat, les contribuables la sentent passer. En 2013, le montant de la dotation de l’État dépasse les 323 millions d’euros. Cette enveloppe, votée par les sénateurs, est immédiatement placée, personne ne sait où, et fait des petits. Le profit ainsi dégagé, les Français ne le revoit pas, cela va de soi… Il sert probablement à opérer de nombreux et luxueux travaux de réfection du Palais et des immeubles achetés ici et là dans les beaux quartiers parisiens. Comme par exemple l’achat du 46, rue de Vaugirard en 2002, dont la rénovation a coûté plus de 10000 euros le mètre carré.


Source contrepoints.org

jeudi 29 janvier 2015

Billets-Djihadisme : quand « Timbuktu » dit tout !


Djihadisme : quand « Timbuktu » dit tout !

Juste avant les fêtes de fin d’année 2014 est sorti Timbuktu, le dernier film du réalisateur mauritanien d’Abderrahmane Sissako, en compétition à Cannes mais ignoré lors du palmarès. Pourtant, il s’agit d’un film capital, dont l’importance s’est – malheureusement – encore accrue avec les événements tragiques du 7 au 9 janvier. Séance de rattrapage, donc !

De Bamako à Tombouctou
En 2006, Sissako surprend le monde du cinéma avec son film Bamako, où l’on suit un procès fictif de la société civile africaine contre les instances financières internationales, accusées de condamner tout le continent à la misère. Sissako situe son procès dans la cour intérieure d’une maison des quartiers populaires de Bamako. Autour et même parmi les avocats, juges et témoins, la vie quotidienne continue sa routine. Les femmes lavent et font sécher le linge, un mariage interrompt les délibérations et, dans la maison, une tragédie familiale est en train de se produire. Cette imbrication des plans et des récits veut évidemment renforcer la dimension politique du film mais montre surtout que Sissako est d’abord un conteur qui veut et sait parler des gens.

Le soir dans Bamako, une fois les tables et chaises du procès rangées, les habitants de la maison regardent la télévision dans la cour. Au programme, une parodie de western spaghetti, « Death in Timbuktu », où le justicier Danny Glover (également coproducteur de Bamako) poursuit une bande de truands quasi-burlesques (parmi lesquels Eliah Souleimane) qui assassinent au jugé les habitants de la ville. Aujourd’hui, impossible de regarder cette étrange séquence sans faire le lien direct avec Timbuktu – il faut d’ailleurs remarquer que le réalisateur centre son dernier film sur la même ville malienne de Tombouctou.

Ici encore, on voit débarquer des hommes armés dans la ville : mais il ne s’agit plus d’invasion de cowboys américains à cheval mais de djihadistes en pick-up. Ils ont l’air de déambuler maladroitement dans les rues étroites et sur les toits. Ils parlent de Zidane et de foot, fument en cachette – tout en décrétant en même temps l’interdiction… du foot et de la cigarette ! Dans la mosquée, ils se font rabrouer et congédier par le cheikh à cause de leur ignorance des préceptes de l’Islam. Certains parmi eux n’arrivent même pas à se faire comprendre en arabe et doivent communiquer en français ou en anglais avec leur co-djihadistes. On en rirait presque. Tout comme l’on a envie de rire de cette accumulation de téléphones portables, véritable objet fétiche des djihadistes comme de la population, toujours en quête, d’une dune à l’autre, du « réseau » providentiel !

Comme le spectateur du film, la population de Tombouctou hésite avant de prendre la mesure de la situation. Le foot est interdit ? Eh bien on jouera sans ballon ! Ce qui donne sans doute la plus belle et plus émouvante séquence d’un film qui en compte tant. La musique est prohibée ? On en fait derrière les portes fermées le soir, quand le son semble venir de partout et de nulle part.

Violence réelle et violence symbolique
Pourtant, quelque chose de très inquiétant est en train de se passer. Au début du film, le réalisateur nous avait déjà avertis, à travers métaphores et métonymies qu’il manie avec autant de maîtrise que l’art du récit : une gazelle qui fuit devant un pick-up plein de djihadistes hilares en train de lui tirer dessus, des masques traditionnels africains réduits en miettes par des salves de kalachnikov – cocktail de violence réelle et de violence symbolique, qui donne déjà la tonalité et le message du film.

Kidana et Satima, jeune couple Touareg vivent quant à eux dans le désert, pas loin de la ville. Contrairement aux autres, ils sont restés, avec leur fille Toya, bercés dans l’illusion de « vivre comme avant ». Leur plus grande richesse ? Une vache nommé GPS (!), gardée par le petit berger Issan. Tout bascule lorsque GPS se coince dans les filets du pêcheur Amadou, qui l’abat. Kidane doit venger GPS et son honneur, autre scène inoubliable dont la beauté n’est surpassée que par le tragique.

Mais, comme les habitants de la ville, Kidane finit par tomber, lui aussi, dans d’autres filets : ceux des djihadistes. Son destin est doublement funeste, car il est également victime d’un règlement de compte entre nomades et sédentaires du Sahel. Il devient ainsi le symbole de toute la perversité des nouveaux maîtres qui profitent des rivalités ancestrales pour régner.

Conte moral et politique
On a reproché au réalisateur un regard à la limite de la bienveillance vis-à-vis des djihadistes au début de son film, alors que dans la seconde partie, toutes leurs horreurs sont exposées sans ménagement. Il est vrai qu’au départ, la subtilité de la narration, qui avance à pas feutrés, comme les personnages du film, peut tromper. Sissako tisse soigneusement sa toile par petites séquences, comme autant de fragments d’un conte moral et politique, où le magnifique paysage de l’Afrique sahélienne le dispute à la beauté des visages et des postures.

Mais il ne s’agit nullement d’un leurre, encore moins d’une contradiction. Sissako témoigne de sa parfaite compréhension de la véritable nature de l’islamisme djihadiste. Un islamisme qui prend son temps avant d’exercer sa véritable terreur ; qui recrute des « paumés » de toutes origines (y compris française, dans le film comme dans la réalité) ; qui prône le littéralisme coranique mais adore les derniers gadgets de la postmodernité ; qui s’accompagne de pur et simple gangstérisme et notamment de la prédation des femmes ; qui masque ses méfaits sous la Loi prétendue d’une religion dont il ignore le B.A-BA ; des djihadistes qui sont, en somme, des humains ordinaires – Sissako insiste à juste titre sur ce point – mais qui ont décidé d’éteindre, en eux et dans les autres, la part solaire de l’humain. « La banalité du mal », ou Hannah Arendt à Tombouctou !

Le totalitarisme de notre temps
En ce sens, et c’est le message centrale du film, un message que seul un musulman peut délivrer sans être accusé de « stigmatisation » : le djihadisme d’aujourd’hui n’est ni plus ni moins qu’une forme nouvelle du totalitarisme. Timbuktu résonne aussi, à travers le parallélisme des scènes de tueries, comme un repentir de Sissako par rapport à Bamako. Non, ce n’est  pas – ou ce n’est plus – le FMI ou le capitalisme mondial qui frappe l’Afrique au cœur et à l’âme, mais la terreur islamiste.

De même que l’histoire militaire est remplie d’états-majors en retard d’une guerre, de même l’histoire politique est pleine de responsables et de commentateurs en retard d’une menace. Alors que tant d’entre eux sont obsédés par une possible résurrection du  fascisme des années 30, des loups, d’une autre engeance mais d’un même appétit, sont entrés dans la ville. À Tombouctou comme à Paris.

Et c’est aussi pour cette raison et pour cette mise en garde qu’il faut voir Timbuktu. De toute urgence.

  • Timbuktu, drame franco-mauritanien d’Abderrahmane Sissako (sortie le 10 décembre 2014), avec Pino Desperado, Toulou Kiki, Abel Jafri et Fatoumata Diawara, durée 97 mn.


Source trop-libre.fr

mercredi 28 janvier 2015

Billets-Coup d’État en Suède ?


Coup d’État en Suède ?
La nouvelle n’a pas fait la « une » des médias, et c’est pourtant un des événements les plus inquiétants de ce début de siècle. Le dernier masque de la démocratie représentative, dans sa version postmoderne et corrompue, vient en effet de tomber.

Cela ne surprendra pas les libéraux, qui savent à quel point l’étatisme électif peut se rapprocher à pas de loup des « vraies » dictatures, et de quoi il est capable lorsqu’il se sent menacé de perdre ses prébendes. On le voit déjà montrer les crocs, à grand renfort d’HADOPI, LPM et autres mesures « anti-terroristes ». Mais en Suède il vient de mordre pour de bon, et saigner peut-être à mort une démocratie déjà bien abîmée par le très politiquement correct « modèle suédois ».

Les faits sont simples dans leur crudité cynique. Les dernières élections ont vu surgir un parti disons atypique, le mot « populiste » étant, en Suède comme ailleurs, un mot dépourvu de sens (tous les partis courtisent le peuple !). Avec ses 12%, le SD ne pouvait qu’être un parti d’opposition, mais lorsqu’un autre s’est joint à lui pour rejeter le budget, le gouvernement a été mis en minorité, et son budget invalidé : situation classique de « crise gouvernementale ». Dans toute démocratie, cela entraîne la démission du gouvernement, et chez nous ce serait un des cas où la dissolution s’imposerait. C’est si évident que dans un premier temps, le chef du gouvernement suédois, Stefan Löfven, a décidé, et annoncé pour le 22 mars 2015, la tenue de nouvelles élections.

Jusqu’ici tout va bien, me direz-vous, le peuple va trancher.
Mais voilà : les sondages se sont mis à dessiner une forte hausse du SD, l’amenant à des niveaux tels que ni l’alliance socialistes-verts, ni le centre-droit, ne puissent espérer gouverner. Craignant de perdre, avec leurs dernières plumes, les places qu’ils occupaient chacun leur tour dans une aimable alternance, ces partis ont décidé de se répartir les postes non plus alternativement mais simultanément, et pour toujours. En tout cas jusqu’en 2022, première date de révision de leur accord.

Le coup d’État
Stefan Löfven vient donc de revenir sur sa décision : les élections prévues pour 2015 n’auront pas lieu, et le résultat de celles de 2019 est d’avance neutralisé puisque l’entente des sortants, ou plutôt de ceux qui ne veulent pas sortir, est organisée jusqu’en 2022. La Suède aura donc la « chance » d’être la première démocratie du monde à connaître la composition de son gouvernement avant les élections, et à savoir qu’il restera en place indépendamment de leur résultat. C’est sûr que ça renouvelle le concept de démocratie, tellement même qu’il faudrait trouver un nouveau nom.

Mais ce nom existe déjà : comment nomme-t-on un événement où les élections annoncées sont brutalement reportées, le pouvoir annonçant que de toute façon il restera en fonction quel qu’en soit le résultat ? Bien sûr, cela n’a pas été proclamé sur fond d’hymne national par un colonel dont la garde prétorienne vient de s’emparer de la télévision : la Suède n’est pas une république bananière. C’est du moins ce que les naïfs croyaient jusqu’ici. Car si la Junte est habillée en civil, et que le parlement fait partie de la farce, c’est quand-même, très exactement, ce qu’on nomme un coup d’État. C’est d’ailleurs ainsi qu’il est vécu de l’intérieur :

« L’accord de décembre peut valablement être décrit comme un coup d’État en douceur, qui engage la Suède sur la route de l’autodestruction.

En apparence, les institutions démocratiques de la Suède semblent intactes, mais à partir de maintenant elles ne sont plus qu’une coquille vide. L’accord de décembre organise ce qu’on pourrait définir comme un système parlementaire à deux faces. Le parlement officiel reste en place, mais dans l’ombre se tapit le parlement réel, constitué des chefs des sept partis du spectre politique traditionnel. Cette officine d’arrière-cour mène ses délibérations en secret, à l’abri de tout regard public. De temps à autre, elle présentera ses décisions au parlement, où la ratification ne sera qu’une formalité.

Le nouveau système peut aussi être décrit comme une « dictature consensuelle ». Quel qu’il soit, celui qui gouvernera dans les huit prochaines années aura dans la réalité des pouvoirs de type dictatorial : ses budgets, fondements de toute politique, disposent d’avance d’une garantie d’approbation. En plus du budget, les partis de l’union ont annoncé qu’ils rechercheraient l’unanimité sur les questions de défense, sécurité, pensions et énergie. »

Indifférence générale ou complicité ?
Si cela s’était passé dans n’importe quelle Ukraine ou Zimbabwe ordinaire, la levée de boucliers aurait été unanime. Pas cette fois : à l’exception d’un bref article dans Valeurs Actuelles, aucun « Indignez-vous ! » vengeur. Pire : un « grand journal du soir », le même qui avait applaudi l’entrée des Khmers Rouges dans Phnom-Penh (décidément, on ne se refait pas), n’en a parlé que pour en faire un modèle : « Une fois de plus, la Suède donne l’exemple. Confrontés à la perspective d’une crise politique prolongée, les partis politiques traditionnels, de gauche à droite, ont décidé de s’unir pour permettre au gouvernement de fonctionner en neutralisant la capacité de nuisance parlementaire du parti populiste. » On admirera incidemment un des plus beaux exemples de langue de bois jamais énoncés dans la presse française. Des élus d’opposition qui votent contre le gouvernement, rejettent ses projets de loi, déposent des amendements, bref, des opposants qui s’opposent ? De la « nuisance parlementaire ». Vite, le parti unique, seule garantie d’un parlement sans nuisance !

La question n’est pas celle des programmes des uns ou des autres ; elle est celle de l’honnêteté de ceux qui s’affirment démocrates, pour aussitôt s’accorder sur la neutralisation des votes qui ne leur conviennent pas. On est démocrate ou on ne l’est pas, le concept ne se divise pas plus que celui de liberté.

On justifie parfois les « exceptions » en ressortant la vieille fable : « Hitler a été élu démocratiquement, donc il y a des limites à la démocratie ». C’est historiquement faux, chacun le sait, mais finalement cela aide à mieux voir la connivence entre le fascisme et la démocratie « avec limites ». Car si Hitler n’a jamais eu de majorité dans un cadre pluraliste, la manière dont il s’est imposé est typique : il était minoritaire lorsque Hindenburg l’a nommé chancelier, dans un gouvernement « d’union nationale » où ne siégeaient de son parti que deux autres ministres. Saisissant leur chance, les nazis ont très vite organisé un changement des règles du jeu qui les rendrait aussi indéboulonnables que nos malins Suédois. Même ainsi, après que l’incendie du Reichstag leur eut donné prétexte à supprimer toutes les conditions d’un débat démocratique, ils n’ont cependant atteint que 43,9 %. Hitler n’a donc jamais représenté démocratiquement le peuple allemand (dont on peut critiquer la passivité, mais c’est un autre sujet). Son arrivée au pouvoir n’est pas la preuve d’une « faille » de la démocratie mais le résultat d’une de ces manœuvres de couloirs qu’on habille du joli nom de gouvernement d’union, négation même des choix différenciés de l’électorat. Les grands partis suédois ne font pas autre chose aujourd’hui, tout en jouant la vertu outragée, car désormais le totalitarisme est pleurnichard. À la naissance…

La menace se rapproche
Selon le traditionnel clin d’œil, « Toute ressemblance avec une situation française …», etc. Mais la plaisanterie ne fait pas vraiment rire : le fait est que cette histoire suédoise valide pour de bon, avec une variante mais l’essentiel y est, l’intuition de Michel Houellebecq. Qu’on n’aime ou pas ses thèmes et son style, cette sorte d’empathie sociale, cette aptitude à percevoir l’état du monde qui l’entoure, font de lui un prophète qui en vaut bien d’autres (aïe, blasphème !). Nous avons peu de temps devant nous pour en tirer les leçons.

Le premier enseignement du coup d’État suédois comme du scénario de M. Houellebecq, c’est que les nobles envolées sur la démocratie, les valeurs républicaines, etc., explosent en un quart de seconde lorsque la caste au pouvoir se sent menacée. Le deuxième est que, contre cela, il n’y a aucune défense par le vote : le putsch se fait discrètement, en une nuit de négociations secrètes, et ensuite il est trop tard. Sauf à prendre les armes, ce qui nous amène à la troisième leçon : la seule solution pacifique est préventive et libérale : réduction maximale des pouvoirs de l’État. Au moins les dégâts seront-ils limités si les larrons de la foire aux voix s’entendent, et gageons qu’ils ne se gêneront pas plus ici qu’en Suède.
Évidemment, le réalisme impose de songer au sevrage progressif des hommes de l’État, que la drogue du pouvoir rend dangereux, surtout à l’approche de l’état de manque. Au fond, c’est une sorte d’assurance-vie que les politiciens suédois ont cherché à se procurer. Mais le moyen qu’ils ont choisi, le coup d’État, fondé sur un déni de réalité et donc gros de catastrophes futures, est celui qui finit toujours mal. Il y aurait un autre moyen, plus élégant : en échange de son renoncement à s’occuper de nos vies, garantir une forme d’existence rémunérée à la classe politique, même lorsqu’elle ne représentera plus rien (j’écris au futur pour ne blesser personne).

Ce ne serait pas une mauvaise affaire : un économiste plein d’humour mais plus sérieux qu’il n’y paraît a récemment montré que payer les plus inutiles des agents de l’État en leur demandant de rester chez eux aurait un bilan positif, sachant bien sûr qu’on n’en recruterait pas de nouveaux, et qu’il s’agirait d’une forme d’extinction en douceur. Car un emploi inutile mais inactif ne coûte que son salaire, tandis qu’un parasite actif coûte en supplément les dégâts qu’il fait tous les jours. C’est dire le gain potentiel dans le cas d’un gouvernement…

C’est une piste à creuser, je vous la livre pour détendre un peu l’atmosphère pré-dictatoriale qui doucement se met en place. Une bouffée d’optimisme, avant la lutte qui s’annonce difficile mais qui n’est pas encore perdue : la démocratie en Suède vient de mourir, la lucidité de Michel Houellebecq est assez pessimiste, mais je m’efforce de croire, pour le temps qui nous reste, qu’un diagnostic lucide est la première phase d’un traitement réussi. Encore faut-il que le patient sorte du sommeil. Réveillons-nous, la Suède n’est pas loin.

Stefan Löfven, Premier ministre de Suède.
Source contrepoints.org

mardi 27 janvier 2015

Billets-Les privilèges de Nicolas Sarkozy


Les privilèges de Nicolas Sarkozy

Le site d'investigation Mediapart dévoile la liste des avantages que perçoit Nicolas Sarkozy en tant qu'ancien président de la République.

Ce n'est pas nouveau. Depuis 1985, tout ancien président de la République dispose d'avantages lorsqu'il quitte l'Élysée. Et Nicolas Sarkozy n'échappe pas à la règle. Mediapart vient de publier le détail des frais engagés par la République pour l'ex-chef d'État. Gardes du corps, déménagement, meubles, voiture, loyer... Les privilèges de Nicolas Sarkozy, en tant qu'ancien président de la République, sont nombreux.

Trois semaines après la fin de son mandat présidentiel, l'État lui a payé un coffre-fort (1 016 euros), un coffre de sécurité (1 074 euros), mais aussi une "armoire forte" (2 073 euros), le tout livré dans ses bureaux de la rue de Miromesnil à Paris. "Le contribuable a aussi payé le déménagement (8 513 euros), de même que l'équipement de son repaire en lampadaires, canapés, fauteuils avec accoudoirs fixes et réglables, portemanteaux, imprimante jet couleur, ordinateur de bureau, portable, smartphone, GSM, bureau en verre transparent", précise le site d'informations. La République règle également le loyer de l'ancien chef d'État à hauteur de 16 341 euros par mois, soit près de 200 000 euros par an, détaille le site. Au total, depuis mai 2012, le montant des avantages dont Nicolas Sarkozy bénéficie pour ses bureaux "dépasse ainsi les 570 000 euros".

Les collaborateurs de Sarkozy coûtent 660 000 euros par an
Mais ce n'est pas tout. Il faut également ajouter le salaire de ses collaborateurs, au nombre de dix (cinq fonctionnaires de l'État et cinq conseillers contractuels). Parmi eux, on dénombre deux chauffeurs, l'un détaché du ministère de l'Intérieur, l'autre du conseil général des Hauts-de-Seine, un intendant, ainsi que deux officiers de sécurité. Consuelo Remmert, la demi-soeur de Carla Bruni-Sarkozy, chargée de gérer la diplomatie de Nicolas Sarkozy ainsi que ses conférences internationales, figure parmi les collaborateurs contractuels, rémunérés "entre 5 247 euros et 7 020 euros net par mois, recrutés au bon vouloir de Nicolas Sarkozy", indique Mediapart. Au total, le montant de ses dix collaborateurs s'élève à 660 000 euros net par an.
Autre avantage : une voiture Citroën C6V6 HDI Exclusive, achetée pour la modique somme de 44 141 euros, "cinq jours après la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle". À cela s'ajoute le carburant, qui représente la somme de 4 046 euros par an.

Des avantages compatibles avec son statut de président de l'UMP ?
Aujourd'hui, des socialistes demandent à Sarkozy de renoncer à ses privilèges d'ancien chef d'État, alors qu'il est à la tête de l'UMP. "Il bénéficie, en plus de son salaire d'ancien président et de l'ensemble de ses indemnités d'ancien élu, d'un certain nombre d'avantages, et notamment d'un cabinet conséquent payé par le contribuable", indiquent les députés Yann Galut, Alexis Bachelay, Colette Capdevielle et Marie-Anne Chapdelaine, dans une tribune du site de L'Obs.


À en croire Mediapart, Raymond Avrillier envisage d'ailleurs d'interpeller la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sur le maintien de ces avantages alors que Nicolas Sarkozy préside l'UMP depuis fin novembre.

dimanche 25 janvier 2015

Dessins de presse


Dessins de presse

samedi 24 janvier 2015

Dessins de presse


Dessins de presse

Dessins de presse


Dessins de presse

Billets-Les acteurs d'“Engrenages”


Les acteurs d'“Engrenages”

Engrenage
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

Ils sont revenus, ils sont tous là, dans la cinquième saison qui démarre. Que pensent de leur personnage les acteurs de la série policière de Canal+ ?
Voilà dix ans, ils entraient dans la peau des héros d'Engrenages qui, depuis 2005, tient sans difficulté son rang de meilleure série policière française. Toujours un plaisir pour les comédiens (et pour nous) qui, dans cette cinquième saison recentrée sur l'intime, continuent de creuser finement les failles et les contradictions de leur personnage. Flics aux prises avec une affaire sordide et une vie privée chaotique, avocats tiraillés entre devoir et ambitions personnelles, juge intègre victime de son intransigeance... A chacun ses nouveaux dilemmes et réflexes de survie plus ou moins conformes à la loi. Caroline Proust, Thierry Godard, Philippe Duclos et leurs camarades nous livrent quelques (précieux) indices sur ce qui attend ces inlassables soldats de la justice.

Laure Berthaud, par Caroline Proust


Caroline Proust, la capitaine de police Laure Berthaud
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

En deuil de son amant, mort dans l'attentat qui concluait la saison 4, la capitaine de police découvre qu'elle est enceinte alors qu'elle doit enquêter sur le double meurtre d'une mère et de sa fille.
« Laure est une femme de son époque, qui vit son métier à fond. J'ai souvent demandé de l'action aux scénaristes, et j'ai été servie ! Elle est colérique, parfois agaçante, encore plus à fleur de peau du fait de sa grossesse non désirée. Au point d'être très perturbée... J'avais même proposé à Anne Landois [la showrunner d'Engrenages, ndrl] que Laure fasse un bref séjour en hôpital psychiatrique – mais c'est impossible pour un policier : il ne pourrait pas revenir sur le terrain ensuite. »

Gilou, par Thierry Godard


Thierry Godard, Gilou
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

Le fidèle adjoint de Laure Berthaud est désormais plus posé – mais toujours fâché avec la procédure. Conscient du gâchis de sa vie personnelle, il est prêt à jouer un rôle dans celle de sa chef.
« Au début de la série, Gilou était un personnage plutôt fougueux. Il était tellement barré que ses addictions auraient dû le faire mourir au milieu de la saison 2. Les scénaristes ont choisi de le faire vivre et, donc, de le faire gagner en maturité. Même s'il commet encore des impairs, il devient presque un bon flic. Il est aujourd'hui le sage du groupe, qui raisonne les autres, avec ce que ça peut avoir de routinier. J'aurais aimé avoir plus de fêlures à incarner ! »

« Tintin », par Fred Bianconi


Fred Bianconi, Tintin
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

Le troisième larron de l'équipe de Laure Berthaud est aussi le plus tranquille. Père de famille, flic honnête, plus droit et plus rangé que ses collègues. Jusqu'à la fin de la saison 3, où il a manqué de passer l'arme à gauche...
« C'était le type “normal” auquel tous les téléspectateurs pouvaient s'identifier. Il était plus que la troisième roue du carrosse, notamment grâce à son amitié avec Gilou. Mais il risquait de devenir transparent, alors j'ai insisté pour qu'on découvre ses failles. En frôlant la mort et avec la naissance de ses jumeaux, il s'est paradoxalement découvert une incapacité à aimer la vie. Il ne veut plus rentrer chez lui, préfère dormir au commissariat et se concentrer sur son job. Mais comme il est exclu de l'intimité de Gilou et Laure, il va se retrouver isolé... »

Herville, par Nicolas Briançon


Nicolas Briançon , le commissaire Herville
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

En délicatesse avec sa hiérarchie, l'ambitieux commissaire met la pression sur ses troupes pour obtenir des résultats. Avec une prise de risques inattendue...
« Dans la saison 4, j'avais l'impression de rejouer tout le temps la même scène : je claquais la porte, j'engueulais Berthaud, ou l'inverse. Herville s'est complexifié depuis que sa position s'est fragilisée. Il a une très haute opinion de lui-même, il va devoir redescendre – un peu. Son ambition l'aveuglait mais, désormais, il est assez honnête, avec lui-même comme avec les autres, car il regarde la réalité en face. C'est comme si Sarkozy était devenu sincère : forcément, ça surprend ! »

Le juge Roban, par Philippe Duclos


Philippe Duclos, le juge Roban
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

L'intègre juge est sorti vainqueur de son bras de fer avec le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Réintégré dans ses fonctions, il se retrouve en position de force face à sa hiérarchie, et conduit l'instruction sur le double homicide qui ouvre cette nouvelle saison.
« C'est un personnage fait de paradoxes. Il est prêt à faire des choses à la limite de la légalité pour faire triompher la justice. Mais il a une éthique : il ne travaille jamais pour servir ses ambitions personnelles. On a découvert dans la saison 3 qu'il était rempli d'affects et de sentiments. Sauf qu'il les cache. Il n'a pas de vie affective. C'est sa faille. Selon le juge Renaud Van Ruymbeke, avec qui j'ai discuté, un juge d'instruction sans vie familiale est foutu... Roban place tout dans son travail, et c'est un danger. Roban, comme Van Ruymbeke, est passé devant le CSM et en est sorti non seulement blanchi, mais avec les honneurs – il a accédé à un grade supérieur. Il m'a expliqué que le danger qui guette alors est l'excès d'assurance. Le juge d'instruction doit rester à l'affût comme un radar et ne jamais s'arc-bouter sur des convictions. Or Roban est trop sûr des siennes, au point d'être agacé par la contradiction et de se retrouver un peu seul au monde. »

Pierre Clément, par Grégory Fitoussi


Gregory Fitoussi, l'avocat Pierre Clément
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

Magistrat devenu avocat, Pierre s'accroche à son armure de chevalier blanc. Il doit défendre, encore une fois, un suspect instable.
« Je l'imaginais, au commencement d'Engrenages, comme un bourgeois bordelais avec un balai dans le cul. C'est un chic type, droit et intelligent, qui est revenu de ses illusions mais conserve une certaine candeur. Il veut bien faire, mais le monde dans lequel il évolue le pousse à mentir et à tricher pour protéger ceux qu'il aime. C'est sans doute le personnage le plus sain de la série, et ses dérapages provoquent une tempête sous son crâne. Dans cette saison 5, il va se retrouver face à un client intrusif, et peinera à garder ses distances. Un défi pour les avocats avec qui j'ai discuté pour préparer le rôle. »

Joséphine Karlsson, par Audrey Fleurot


Audrey Fleurot, l'avocate Joséphine Karlsson
Photo : Stephane Grangier, Simon Toupet pour Canal +

Manipulatrice, séductrice, carriériste, l'avocate s'est mis à dos toute la profession. Ne lui reste que Pierre Clément, son compagnon, pour l'aider à se reconstruire. Cette fois-ci, elle va bien faire les choses. Ou pas.
« Ce qui m'a attirée, au départ, c'est que c'est un personnage amoral. Sans amis, sans mecs, sans chats, qui aime l'argent et la réussite. C'est rarissime à la télévision française. Surtout quand c'est une femme. Elle ne rentre pas dans les conventions, elle trace son chemin et ne ressent pas le besoin de se justifier – c'est pénible, les personnages "noirs" auxquels il faut absolument trouver des excuses. Cela étant dit, on a atteint les limites de son mystère, et on va la voir sous un nouveau visage. Plus ouvert, plus sensible, qui sait faire confiance. »


Source telerama.fr 

jeudi 22 janvier 2015

Billets-La France périphérique de Christophe Guilluy


La France périphérique de Christophe Guilluy

En faisant usage de la géographie pour comprendre l’espace national, Christophe Guilluy fait voler les cadres des anciennes représentations sociologiques et propose une nouvelle approche du territoire français. Alors que beaucoup d’études séparent le territoire en trois, métropoles, banlieues, zones rurales, Christophe Guilluy propose l’analyse d’une France divisée entre un espace mondialisé, connecté aux autres villes monde grâce à l’effet de métropolisation et un espace périphérique, composé de villes où les entreprises ferment et où la population subit de plein fouet le chômage, le déclassement et les difficultés de sortir de cette situation de pauvreté. Cette partition du territoire, entre une France qui bénéficie de la mondialisation et une France qui la subit, explique pour partie les choix politiques. La première France votant pour des partis qui acceptent la mondialisation, quand la deuxième choisit ceux qui la rejettent.

L’auteur montre que les anciennes représentations sociales, cols blancs, ouvriers, employés, immigrés, n’ont plus lieu d’être, car cette nouvelle configuration du territoire est tout autant une nouvelle configuration sociale. À cet effet, dans un chapitre stimulant qui ne manquera pas de susciter de nombreuses polémiques, il montre que les banlieues à forte présence de populations immigrées sont parfaitement intégrées dans la mondialisation, et que les populations qui y habitent sont beaucoup moins exclues qu’il n’y parait, et donc nettement plus incluses dans une France qui n’a pas toujours compris la nouvelle donne des banlieues.

Cette France périphérique se sent exclue, car elle est à l’écart des aides, des subventions et ne bénéficie pas d’un État providence qui sert la soupe des subventions à d’autres. Cette frustration engendre des mal êtres et des révoltes sociales, pour l’instant larvées et limitées, mais qui risquent de s’intensifier. Surtout, l’auteur montre qu’il devient de plus en plus difficile de concilier les deux France, car comment associer les perdants et les gagnants de la mondialisation, ceux qui en veulent moins et ceux qui en veulent plus ? C’est là aussi tout le dilemme des partis de gouvernement, qui doivent choisir un type d’électorat et élaborer le discours que celui-ci veut entendre.

Alors que les regards et les inquiétudes étaient tournés vers les banlieues, d’où devaient surgir les révoltes sociales, elles émergent en réalité des zones périphériques, que les politiques ont du mal à comprendre, et qui demeurent souvent sans solution réelle à leur proposer. Ainsi l’exprime l’auteur : « La véritable fracture n’oppose pas les urbains aux ruraux, mais les territoires les plus dynamiques à la France des fragilités sociales. »


Une fois le livre fermé on ne peut que reconnaître que le battage médiatique autour de celui-ci est justifié. Non seulement les analyses sont justes et percutantes, mais l’ouvrage est écrit dans une langue accessible, ce qui permet au plus grand nombre de découvrir la richesse de la science géographique. On sait gré à l’auteur d’avoir inséré un glossaire à la fin de l’ouvrage pour expliquer les termes techniques que les lecteurs peu familiers des études géographiques pourraient ne pas connaître.

mercredi 21 janvier 2015

Recettes Soufflés-Soufflé au chocolat


Soufflé au chocolat

Préparation : 15 mn
Cuisson : 15 mn
Pour 4 personnes
5 œufs entiers
180 g de chocolat noir
110 g de sucre en poudre + 20 g pour le moule
5 cl de lait
40 g de cacao tamisé
10 g de beurre pour le moule
1. Préchauffez le four à 200 °C (th. 6-7).
2. Beurrez et sucrez un moule à soufflé d’environ 20 cm de diamètre (ou quatre ramequins individuels) ; Placez-le au réfrigérateur.
3. Cassez les œufs en séparant les blancs des jaunes. Faites fondre le chocolat au bain-marie avec 70 g de sucre et le lait. Mélangez le cacao avec les jaunes d’œufs, ajoutez-les au chocolat fondu.
4. Montez les blancs d’œufs en neige ferme avec une pincée de sel. Versez en pluie 40 g de sucre et continuez de fouetter pour obtenir une meringue très épaisse. A l’aide d’une spatule, incorporez délicatement cette meringue au chocolat. Remplissez le moule (ou les ramequins) aux trois quarts de cette préparation. Enfournez pour 15 minutes et n’ouvrez pas la porte du four durant la cuisson. Servez aussitôt.

Dessins de presse


Dessins de presse

Dessins de presse


Dessins de presse

samedi 17 janvier 2015

Billets-Après les attentats, réaction deVirginie Despentes


Après les attentats, réaction deVirginie Despentes

C’est comme un avant-goût. Cette guerre que tous – toutes tendances politiques toutes religions toutes communautés – semblent appeler depuis quelque temps de toutes leurs forces, cette guerre a ce goût-là. Celui des morts avec qui on prenait un café il y a trois jours. Ou des blessés qu’on se préparait à haïr pour un mauvais papier. Et dans un premier temps, ce que l’événement déclenche, c’est l’amour.

Ça joue en plusieurs temps, un trauma, on le sait. Il y a un premier temps, c’est comme une focale qui s’agrandirait jusqu’à la lumière totale – ça dissout l’ego. Il y a eu deux jours comme ça – de plane intense. D’amour total. Au-delà de soi et de ses convictions. J’ai aimé mon prochain pendant quarante-huit heures. Je l’ai aimé en comprenant dans mes cellules mêmes que mon petit point de vue n’était qu’un leurre, une imbécillité morbide. J’ai aimé tout le monde. Même les crétins qui commençaient à radoter que les Arabes ceci ou cela – j’ai aimé les débiles qui se disaient qu’il fallait en finir avec la politique Bisounours (comme si la politique de répression, dans quelque pays que ce soit, amenait à autre chose qu’à une escalade de la violence), j’ai aimé tous les journalistes tous les dessinateurs tout le monde, j’ai aimé les crétins qui n’étaient pas Charlie.

Du mauvais gangsta-rap
J’ai passé deux jours à me souvenir d’aimer les gens juste parce qu’ils étaient là et qu’on pouvait encore le leur dire. J’ai été Charlie, le balayeur et le flic à l’entrée. Et j’ai été aussi les gars qui entrent avec leurs armes. Ceux qui venaient de s’acheter une kalachnikov au marché noir et avaient décidé, à leur façon, la seule qui leur soit accessible, de mourir debout plutôt que vivre à genoux. J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. J’ai aimé aussi leur désespoir. Leur façon de dire – vous ne voulez pas de moi, vous ne voulez pas me voir, vous pensez que je vais vivre ma vie accroupi dans un ghetto en supportant votre hostilité sans venir gêner votre semaine de shopping soldes ou votre partie de golf – je vais faire irruption dans vos putains de réalités que je hais parce que non seulement elles m’excluent mais en plus elles me mettent en taule et condamnent tous les miens au déshonneur d’une précarité de plomb. Je les ai aimés dans le mouvement de la focale écartée en grand, leur geste devenait aussi une déclaration d’amour – regarde-moi, prends-moi en compte. On ne tire pas sur ce qu’on ne voit pas.

Je les ai aimés dans leur maladresse – quand je les ai vus armes à la main semer la terreur en hurlant “on a vengé le Prophète” et ne pas trouver le ton juste pour le dire. Du mauvais film d’action, du mauvais gangsta-rap. Jusque dans leur acte héroïque, quelque chose qui ne réussissait pas. Il y a eu deux jours comme ça de choc tellement intense que j’ai plané dans un amour de tous – dans un rayon puissant. Beaucoup de choses revenaient. Pas seulement le 11 Septembre. Le témoignage de l’urgentiste faisait écho à celui de cet étudiant survivant du bus dans lequel furent raflés ses camarades, à Iguala. Le blond Breivik, et son massacre sur une île. Les enfants de la maternelle décimés par Merah. Ou les innombrables mass shootings perpétrés aux Etats-Unis.

C’est un dialogue qu’ils ont entre eux. Ce sont les hommes qui veulent la guerre. Je comprends qu’on me réponde “ne mélange pas tout”. Mais il faut comprendre qu’en moi tout se mélange. Je ne parviens pas à faire de différence entre ces différentes façons de mourir. Cette imposition de la volonté de tuer dans des quotidiens qui n’avaient rien à voir avec la guerre. Je crois que ce dialogue cacophonique est international, c’est celui des gens convaincus que les civils non armés doivent vivre dans la terreur. Que c’est comme ça qu’on les gouverne le mieux. Il faut apprendre au peuple à sursauter au moindre bruit, se demander pourquoi on entend une sirène d’ambulance, surveiller l’heure avec inquiétude quand quelqu’un qu’on attend est en retard, et observer nos propres pensées avec méfiance.

La censure est interne, c’est un carcan qu’on incorpore. Ça a commencé par Charlie. C’était presque un an après qu’un autre acharné avait attaqué Libération. Comme si l’un avait été la répétition de l’autre. Pourquoi les journaux, deux fois. Et pourquoi les journaux très marqués à gauche, deux fois ? Je sais bien que ce ne sont pas les mêmes personnes, pour les mêmes raisons – mais l’impact est identique. C’est comme si l’histoire voulait vraiment nous enfoncer quelque chose dans la tête – cette gauche de 68, Sarkozy, Le Pen ou les terroristes armés – on va en finir avec vous.

Défendre la gauche ?
A force, pour les gens comme moi qui étions dubitatifs de l’intérêt de cette gauche, le doute s’instaure : cette gauche aurait-elle plus de sens que ce que nous avions cru ? Ce qu’on veut abattre représente encore quelque chose. Cette gauche momolle et embourgeoisée représenterait-elle quelque chose de suffisamment important pour qu’on veuille en finir avec elle avec autant d’acharnement ? Elle n’est pas un cadavre – on ne se donne pas tant de mal pour déterrer un mort et lui remettre une rafale dans le cerveau. Cette gauche à laquelle j’ai tant de mal à croire serait-elle encore, finalement, la dépositaire de quelque chose qui vaille qu’on s’acharne à ce point contre elle ? De facto, oui. Il y a, éventuellement, dans cette gauche à laquelle il est parfois difficile de s’identifier, quelque chose qui vaut la peine qu’on risque sa vie à la défendre. Dont acte.

J’ai participé à une émission de télé le jeudi soir et au bout de trente minutes, on était partis sur l’islam, et ce n’est pas parce que j’éprouve pour cette religion davantage d’affection que pour les autres, mais je ne sais pas faire le rapport entre ce qui s’est passé et l’islam. Je voyais juste l’ironie absurde du truc : ces mecs de Charlie transformés en martyrs, et l’extrême droite de l’alliance UMP-FN pissant sur leurs tombes. Et oui, ça nous fait bizarre, à nous les judéo-chrétiens – moi, blondasse blanche aux yeux clairs en tête –, de voir que toutes les civilisations ne vont pas s’écrouler en même temps, et notamment la culture musulmane a l’air d’être sur un premier temps quand nous sommes dans les dernières notes de la partition. Après les avoir méprisés dominés humiliés et être nés convaincus de notre supériorité – quitte à se sentir un peu coupables, du coup, mais tellement supérieurs –, oui ça nous fait bizarre de comprendre que nous ne ferons pas partie des forces qui comptent, demain. Ce n’est pas inintéressant mais c’est étrange à vivre, le crépuscule d’une civilisation.

“Du velours pour les investisseurs”
Puis est venu Coulibaly. En deux temps, jeudi matin, la policière, et vendredi après-midi, l’épicerie casher de la porte de Vincennes. Cette fois comme un mauvais remake de Merah – d’abord le fonctionnaire qui ressemble le plus possible à l’assassin, comme effacer une version de soi qui se serait plus intégrée, à qui on aurait confié les armes de la République alors qu’à toi on n’a confié que dalle, crevard, et ensuite les Juifs – et on peut le voir de la même façon, quand même, une version de toi qui aurait mieux réussi. Une saleté de preuve supplémentaire de ta propre nullité : puisque d’autres réussissent à le faire, qui te ressemblent quand même beaucoup, c’est vraiment que t’es qu’une merde, toi et tous ceux qui te ressemblent. Alors crevez tous.

La haine est mon élément premier, je ne suis pas suffisamment débile pour imaginer que c’est vraiment ce qu’ils ont en tête, mais ça marche aussi comme ça, je crois : ce sur quoi on tire, c’est sur la preuve de ce que nous sommes responsables de notre échec. On veut contaminer l’autre de notre sensation de nullité. On veut qu’il sente ce qu’on sent. Et puisqu’il a l’air de se pavaner dans sa belle réussite en refusant d’entendre nos appels, on va s’inviter dans sa réalité, de la façon la moins négociable. En la niant, complètement. C’est fini, pour tout le monde.

J’ai passé quatre jours sur Facebook. C’était d’abord émouvant, tous ces écrans “je suis Charlie”, ensuite c’était un peu chiant, on ne savait plus qui disait quoi et puis il n’y avait pas grand-chose à ajouter. J’ai vu le documentaire The Shock Doctrine tiré de l’ouvrage de Naomi Klein, et c’était édifiant de le voir à ce moment-là. Peut-être parce que Rajoy était à la manif de dimanche et que ce n’était pas difficile de l’imaginer dire aux dirigeants ici : “Vous allez voir, si vraiment vous êtes la cible d’une série d’attaques terroristes, c’est à la fois terrible, évidemment, il faut prévoir beaucoup de costumes noirs et des têtes de circonstances, mais en dehors de ça : du velours, les gars, du velours… si vous saviez comme ETA nous a rendus heureux, nous les dirigeants… et pas seulement pour passer les lois liberticides que nous appliquons aujourd’hui, pas seulement pour nous permettre d’enfermer des gens pour leurs idées, non, c’est bien mieux que ça, le terrorisme : vous croyez que les Français, demain, sont prêts comme ils l’étaient il y a dix jours à réagir contre les lois Macron ? Du velours, les gars, du velours pour les investisseurs…”

Puisque les hommes n’enfantent pas, ils tuent
Sur Facebook, j’ai vu aussi un journaliste demander à une musulmane de se dissocier officiellement des meurtres. Je crois que c’est ça qui a marqué la fin de ma phase “amour pour tous”. On a chacun nos petites obsessions. La sienne, c’est que tous les musulmans doivent payer. On a un peu envie de lui dire, gars, le jour où les rebeus sortiront tous leur kalachnikov des caves pour nous tirer dans la gueule, à la couleur, comme le contrôle de papiers, plus t’as l’air blanc moins t’as de chance de terminer ta journée entier, ce jour-là, tu verras, on sentira la différence. Pour l’instant, je ne vois pas bien pourquoi le monsieur qui vend des légumes au bout de ma rue devrait se sentir plus proche des tueurs que moi. On est tous du quartier des Buttes-Chaumont, on n’y peut rien si c’est dans notre parc que les tueurs faisaient leur jogging. Pas plus le rebeu qui vend ses légumes que moi, on vit dans la même rue, pourquoi lui plutôt que moi ?

On a tous nos obsessions. Celle de ce journaliste, c’est profiter du massacre pour retaper sur les Arabes. La mienne, c’est la masculinité. Je crois que ce régime des armes et du droit à tuer reste ce qui définit la masculinité. Je crois que ce journaliste aurait dû déclarer en préambule qu’il se dissociait formellement de la masculinité traditionnelle. Qu’il ne se sentait pas un homme. Qu’il dissociait sa masculinité de celle des assassins mexicains, norvégiens, nigérians ou français.

Parce que c’est ça, au final, ce que nous vivons depuis une semaine : les hommes nous rappellent qui commande, et comment. Avec la force, dans la terreur, et la souveraineté qui leur serait essentiellement conférée. Puisqu’ils n’enfantent pas, ils tuent. C’est ce qu’ils nous disent, à nous les femmes, quand ils veulent faire de nous des mères avant tout : vous accouchez et nous tuons. Les hommes ont le droit de tuer, c’est ce qui définit la masculinité qu’ils nous vendent comme naturelle. Et je n’ai pas entendu un seul homme se défendre de cette masculinité, pas un seul homme s’en démarquer – parce qu’au fond, toutes les discussions qu’on a sont des discussions de dentelière.

Sinon, la seule préoccupation qu’on aurait, aujourd’hui, pour imaginer un futur différent, ce serait – puisque tous les dirigeants sont là, discutons : quand et comment ferme-t-on les usines d’armement. Quand et comment en finit-on avec votre merde de masculinité, qui ne se définit que sur la terreur que vous répandez ?

Virginie Despentes

Source lesinrocks.com