dimanche 7 décembre 2014

Infos santé-Médecine traditionnelle chinoise


Médecine traditionnelle chinoise

Qu’un journal généraliste dépasse les clichés sur les médecines « traditionnelles » ou « alternatives » pour alerter sur leurs dangers, voilà un événement suffisamment rare pour être souligné, et salué. Courrier International, dans sa livraison du 30 octobre 2014, édite en français un article paru dans un journal de Hong-Kong, Fenghuang Zhoukan.

Le constat est fait par les médecins chinois eux-mêmes :
« Un nombre croissant de recherches montre pourtant que la consommation à forte dose et sur une longue durée de certains remèdes traditionnels, qu’il s’agisse de plantes ou de produits conditionnés, peut entraîner des lésions mortelles. Le professeur Xu Jianming, de l’université de médecine de l’Anhui, a réalisé en 2005 une enquête rétrospective sur les lésions hépatiques d’origine médicamenteuse dans 16 grands centres hospitaliers de différentes régions de Chine.

Conclusion : des substances pathogènes de la pharmacopée chinoise étaient en cause dans 20,6% des 1 200 cas recensés. Par ailleurs, selon un article scientifique publié en 2013 par l’hôpital Xinqiao de Chongqing, sur les 24 111 lésions hépatiques médicamenteuses recensées entre 1994 et 2011, 18,6% s’expliquaient par l’absorption de remèdes d’herboristerie chinoise. »

  • Médecine traditionnelle chinoise : entre empirisme et pensée magique
À l’image des remèdes de grand-mère, la pharmacopée traditionnelle chinoise a été établie au fil du temps de manière empirique, et non sur la base d’études rigoureuses et contrôlées. Sans surprise, ses praticiens mettent en avant un savoir datant de plusieurs millénaires, ce qui est beaucoup plus confortable que la preuve scientifique. Ceci n’exclut certes pas que certains remèdes soient efficaces, comme dans le traitement de l’eczéma.

Mais sans validation scientifique, le scepticisme vis-à-vis des bénéfices de la plupart de ces traitements reste de rigueur. D’autant plus que les praticiens refusent de reconnaitre les critères scientifiques de validation, au nom d’un argument éculé que partagent toutes les pseudo médecines : les standards de la médecine occidentale ne seraient pas pertinents pour évaluer la médecine traditionnelle chinoise. Les dérèglements dans une maladie peuvent être classifiés dans plusieurs « modèles ». Des maladies multiples pourraient relever d’un même « modèle » et être traitées par la même formule d’herbes tandis qu’une même maladie pourrait relever de plusieurs « modèles » différents et être traitée par des formules multiples. Inutile de chercher la définition précise de ces fameux « modèles » qui évoquent irrésistiblement l’approche « individualisée » des homéopathes…

Comme les autres branches de la médecine traditionnelle chinoise, les pouvoirs attribués aux remèdes relèvent largement de la pensée magique et d’analogies naïves :
« Selon la Médecine traditionnelle chinoise, le potentiel thérapeutique d’une plante dépend de l’ensemble de ses caractéristiques : sa couleur ; sa nature : chaude, froide, neutre ; sa saveur : sure, amère, douce, épicée, salée ; sa configuration : forme, texture, teneur en humidité ; ses propriétés : disperser, consolider, purger et tonifier.
En ce qui a trait aux propriétés, prenons l’exemple d’un type d’arthrite qui est aggravée par l’humidité ou la pluie : dans la perspective chinoise, cela est attribuable à de l’Humidité et du Froid dans les méridiens. Or la plante Hai Tong Pi, qui pousse en bordure de mer, possède, selon la logique chinoise (et l’expérience d’années de pratique), la propriété de disperser l’Humidité et le Froid. Mentionnons aussi que la propriété de tonification est fondamentale dans cette approche et sert de base à toute entreprise thérapeutique. Ici, « tonifier » veut dire accroître la compétence, l’adaptabilité et la résistance de l’organisme aux facteurs adverses. »
Autant dire que le système de prescription est assez fantaisiste !

  • La composition de ces médicaments, mal connue, révèle toutefois la présence de substances toxiques
Courrier International alerte sur les lésions hépatiques sévères que peuvent provoquer certains remèdes traditionnels chinois. Un problème dont ils n’ont certes pas le monopole. Ainsi, de nombreux médicaments prescrits par la médecine moderne peuvent être dangereux pour le foie. Mais ces médicaments contiennent très peu de molécules actives dont les effets peuvent être bien documentés ; le mode de production de ces médicaments est bien contrôlé, les médecins peuvent donc en tenir compte dans leur prescription et pour établir une posologie adaptée. Il n’en va pas de même pour les remèdes de la médecine traditionnelle chinoise, qui peuvent combiner plus d’une dizaine de plantes ou d’extraits d’animaux. Leur composition chimique complexe, et probablement peu homogène, n’est donc jamais entièrement connue.

Plusieurs études ont mis en évidence la présence dans ces remèdes de métaux lourds toxiques (arsenic, plomb, mercure) à des niveaux élevés. Selon un article récent paru dans la revue Plos Genetics, les échantillons étudiés révélaient la présence de toxines végétales dangereuses pour le foie, les reins, ou cancérigènes.

  • Un problème de santé publique ignoré
À en croire Courrier International, c’est le cas en Chine et il est probable que cela le soit aussi parmi les émigrants chinois. Et chez les occidentaux ? Une étude menée en 2000 en Australie, qui portait à la fois sur l’acupuncture et les remèdes de la médecine traditionnelle chinoise, rapporte un nombre modéré de cas d’intoxications, mais sévères. Mais les auteurs soulignent eux-mêmes les limites de leurs investigations, qui ne permettent pas d’évaluer de façon précise la fréquence et la sévérité des effets iatrogènes liées à la prise de remèdes de la médecine traditionnelle chinoise. À ma connaissance, de telles études n’ont pas été menées depuis en Europe…

Le sujet est pourtant loin d’être anodin. Et on ne peut que s’étonner du fossé qui existe entre la réglementation tatillonne des produits pharmaceutiques en général et celle qui s’applique pour les remèdes de la médecine traditionnelle chinoise. Ainsi, la directive européenne 2004/24/CE qui permet leur autorisation dans les pays de l’UE est délicieuse de candeur en affirmant que « l’ancienneté du médicament permet de réduire la nécessité de réaliser des essais cliniques puisque son efficacité est plausible du fait de l’ancienneté de l’usage et de l’expérience ». Pour le législateur comme pour le praticien des médecines traditionnelles chinoises, les traditions millénaires ont donc plus de valeur que les essais cliniques. On croit rêver .

Le succès des médecines « parallèles » et les croyances à propos des vertus du « naturel » devraient inquiéter le monde médical. Les revendications de la médecine traditionnelle chinoise, qui se présente comme une médecine avant tout préventive, favorisent enfin l’automédication, ce qui est susceptible d’aggraver le problème.


Source contrepoints.org

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