mardi 19 août 2014

Billets-Obligée de donner la vie


Obligée de donner la vie

Une femme tombée enceinte suite à un viol s'est vu refuser l'avortement, malgré sa fragilité psychologique. L'affaire ravive le débat sur l'interruption volontaire de grossesse.

La question de l'avortement est à nouveau au centre des débats en Irlande, alors qu'une jeune femme, tombée enceinte après avoir été violée,  s'est vu refuser l'intervention. En Irlande, pays de forte tradition catholique, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est interdite, sauf dans un cas : si la grossesse met en danger la vie de la femme enceinte, y compris si sa santé mentale entraîne un risque de suicide. Dans tous les autres cas, l’avortement est illégal, même en cas de viol, d'inceste, ou d’anomalie du fœtus.

The Irish Times revient sur l'affaire : au mois d'avril, la jeune femme, sans-papiers, alors à 8 semaines de grossesse, demande à avorter au motif qu’elle a des tendances suicidaires. Sans succès, même si ce motif est légal. Du fait de sa situation irrégulière et de sa demande d'asile en cours, elle n’a pas non plus la possibilité de se rendre au Royaume-Uni pour avorter, comme le font de nombreuses Irlandaises.

En juillet, à 24 semaines de grossesse, elle est hospitalisée pour tendances suicidaires. Elle entame une grève de la faim, mais l’hôpital, par voie judiciaire, parvient à imposer une réhydration artificielle afin de sauver la vie de l’enfant.

Début août, l'hôpital pratique une césarienne. La jeune femme en est seulement à 25 semaines, soit à un stade limite concernant la viabilité du fœtus. L’enfant, un petit garçon, reçoit des soins pour prématurés et est placé.

"La tyrannie d'une minorité"
En réaction à cette affaire, le journaliste Fintan O'Toole appelle dans le Irish Times à un assouplissement de la loi sur l’avortement, estimant que "le régime répressif actuel ne reflète pas l’opinion publique". L’auteur rappelle que la majorité des Irlandais est en faveur de l’avortement en cas de viol ou d’anomalie grave qui empêcherait le fœtus de survivre après la naissance. Pour lui, la situation actuelle est donc "clairement un cas où une petite minorité tyrannise la majorité".

Cet avis est partagé par le Irish Independent. Dans un éditorial, le journal demande que la loi sur l'avortement soit révisée, mais aussi que les soins accordés aux demandeurs d'asile soient améliorés. "Le sort de cette jeune fille questionne non seulement l'efficacité de la loi sur l'avortement, mais aussi les prestations de santé, qui ne répondent pas aux besoins des demandeurs d'asile - y compris en ce qui concerne l'assistance psychologique."

"Catalogue de violations"
Après avoir fait les gros titres en Irlande, cette polémique a atteint le Royaume-Uni. Dans le New Statesman, une chroniqueuse s'interroge : "Quand les femmes irlandaises auront-elles enfin le droit de dire 'non' ? La réponse est 'jamais'." Autre constat : le cas de la femme citée est "un catalogue de violations. Premièrement, elle a été violée (violation numéro un), ensuite les médecins lui ont apparemment refusé le traitement dont elle avait besoin (violation numéro deux), on lui a imposé une réhydratation artificielle (violation numéro trois) et enfin on lui a imposé une césarienne (violation numéro quatre)" [...] voilà la violence que l’Etat irlandais impose aux femmes."

L’autorité sanitaire irlandaise a ordonné une enquête sur les soins dispensés à cette femme. Le rapport sera publié fin septembre.

Dessin de Kap Droits réservés

Source Courrier International

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