mercredi 20 novembre 2013

Billets-JFK 22 novembre 1963

JFK 22 novembre 1963 

Dallas se souvient.  Ils étaient à l’époque collégiens, lycéens ou jeunes adultes. L’assassinat de leur président les a marqués à jamais. Aujourd’hui, ils parlent.

22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy et sa femme   
 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy et sa femme Capture d'écran

Le 22 novembre 1963, bien des habitants de Dallas ne sont ni au travail ni à l’école : ils sont à l’aéroport de Love Field, pour assister à l’arrivée du président John F. Kennedy.



D’autres veulent voir passer le cortège en centre-ville, ou ont été invités au déjeuner au cours duquel le président doit prendre la parole. En un instant, tous vont se retrouver soudés par la tragédie. Kennedy est abattu au beau milieu de la foule de ses concitoyens. En ce jour funeste, Dallas, et avec elle le pays et le monde, est frappée par le chagrin. Cinquante ans plus tard, The Dallas Morning News laisse la parole aux Texans et à leurs souvenirs.

Joan Nall. A l’époque en terminale au lycée Garland, elle est parmi les premiers à arriver à l’aéroport de Love Field. Elle trouve un endroit avec une vue idéale sur la limousine de Kennedy, mais hésite : va-t-elle lui serrer la main ou le prendre en photo avec l’appareil qu’elle a emprunté à sa mère ? Elle sait qu’elle n’aura pas le loisir de faire les deux. “Je me suis dit : eh bien, si je prends des photos, je les garderai pour toujours”, raconte-t-elle.

Les photos, elle les a toujours aujourd’hui, dont une du président qui salue les gens sur le tarmac. Nall adorait Kennedy, autant pour ses opinions politiques que pour sa jeunesse et son attitude. “On aurait dit un conte de fées, mais en même temps, je respectais tout ce qu’il faisait”, précise-t-elle.

Elle revoit cette journée comme dans un film. Après avoir suivi des yeux la limousine présidentielle qui s’éloignait, elle quitte le parking avec ses amies. Elles se retrouvent prises dans les bouchons, mais ont allumé leur autoradio. C’est là qu’elles apprennent la nouvelle. Le président a été abattu. Il doit s’agir d’une très mauvaise plaisanterie, pensent-elles. Elles viennent à peine de le voir, plein de vie. Elles s’arrêtent dans une station-service et demandent au pompiste si l’information est confirmée. Quand il répond par l’affirmative, toute la liesse du moment s’évapore.

Nall passe le week-end à pleurer. “C’était comme une gifle, comme si je m’étais réveillée – une sorte de retour à la dure réalité”, dit-elle. Aujourd’hui, elle conserve pieusement ses photos, vestiges des dernières heures de ce président qu’elle chérissait.

David et Jean Kerr. Le couple se présente tôt au Dallas Trade Mart, pour le déjeuner où le président va prendre la parole. Jean doit y chanter l’hymne national, et elle a répété toute la matinée pour être sûre que tout se passe bien. Sa nervosité est à la hauteur de cet immense honneur.

Le président se faisant attendre, un officiel propose à l’assistance de commencer à manger. David a avalé quelques bouchées quand un journaliste bondit de son siège et s’écrie : “Oh ! mon Dieu ! le président a été tué !” L’assemblée est sous le choc, et certains serveurs se mettent à pleurer.

Les Kerr n’ont jamais fini leur déjeuner, et Jean n’a jamais chanté. “C’était comme si on m’avait demandé de chanter devant le monde entier et que, soudain, le monde entier avait disparu”, décrit-elle. Elle rentre à la maison, David retourne à son bureau. Là, il dit à la standardiste de renvoyer tous les employés chez eux pour la journée. Personne n’a le cœur à travailler.

Le dimanche suivant, les Kerr se rendent à l’office à la Première Eglise presbytérienne de Dallas, près de la mairie. Alors que le pasteur fait son sermon, un assistant s’approche de l’autel et lui tend un message sur un bout de papier. Le pasteur déclare à ses ouailles qu’il leur faut quitter l’église en sortant par le parking. Dehors, des sirènes hurlent. Les Kerr le sentent, cette évacuation est liée à l’assassinat. Ils ne comprennent ce qui s’est passé qu’en allumant la télévision une fois rentrés chez eux : Lee Harvey Oswald, l’assassin de Kennedy, a été tué à son tour.

Herbie K. Johnson. Le matin de la visite présidentielle, ce professeur du lycée Roosevelt a un mauvais pressentiment. Toute sa vie, il a été le témoin du racisme à Dallas, et à ses yeux Kennedy est l’incarnation de l’égalité. Mais il sait aussi qu’à Dallas beaucoup de gens détestent JFK.


Attendant que ses élèves reviennent d’avoir vu le cortège, il écoute la radio. Et c’est là que ses craintes deviennent réalité. Le président a été abattu. Ses élèves, désemparés et effrayés, sont de retour. “Bien sûr, ils voulaient savoir pourquoi – pourquoi”, rapporte Johnson. Il n’a pas de réponse claire et précise à leur donner. Mais il fait de son mieux pour les informer, tout en avouant sa propre ignorance, et évoque la crise des missiles à Cuba, les pressions politiques internes et l’engagement de Kennedy en faveur des droits civiques. Pour la communauté noire, c’est un coup terrible. “Avec Kennedy, nous devions être égaux en droit.… Cette égalité, nous la voulions”, conclut Johnson.

W. K. Jeffus. Agé de 16 ans, il est élève au lycée Sunset. Effectuant également une préparation militaire, ce jour-là, c’est lui qui est responsable du drapeau. Le matin, il a hissé les couleurs. Puis il s’est mis à pleuvoir, et il les a amenées. Le soleil est revenu, et il a hissé de nouveau le drapeau. Une journée typique pour Dallas.

Il se trouve en cours de géométrie quand le professeur quitte la salle sans explication. Un autre enseignant remonte le couloir, les larmes aux yeux. Enfin, la voix du principal résonne dans les haut-parleurs pour leur annoncer que le président a été tué.

Jeffus sait aussitôt ce qu’il doit faire. Il sort et met le drapeau en berne.

Le cours suivant est un cours d’histoire. Le professeur leur demande de regarder au dos de leur manuel, là où sont inscrites les dates des mandats présidentiels. C’était un “grave péché” d’écrire sur les livres scolaires, et pourtant le professeur leur ordonne d’inscrire “22 nov. 1963, Dallas, TX, 13 heures” à côté du tiret indiquant le mandat de Kennedy. 




Source Courrier International

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