jeudi 7 novembre 2013

Billets-Abolir l’esclavage de la prostitution


Abolir l’esclavage de la prostitution

Au moment où paraît en France un manifeste pour “aller aux putes” sans entraves, la journaliste et militante féministe Alice Schwarzer mobilise 90 personnalités et part en campagne pour l’abolition de la prostitution.
 
La prostitution, “le plus vieux métier du monde” ? “Un métier comme les autres” ? La prostitution n’étant pas vouée à disparaître, c’est une utopie de vouloir la supprimer ?

C’est faux. Il n’y a pas si longtemps, l’abolition de l’esclavage aussi paraissait utopique. Et même si l’esclavage n’a pas entièrement disparu de ce monde, il serait aujourd’hui impensable pour un Etat démocratique, éclairé, de le tolérer, voire de le laisser s’étendre. Or c’est précisément ce que fait l’Allemagne avec la prostitution : elle tolère, elle soutient même cette forme d’esclavage moderne (ce white slavery – “esclavage blanc”). La réforme de la loi sur la prostitution de 2002, censée servir les 700 000 femmes (estimation moyenne) qui travaillent dans cette branche, porte la griffe des trafiquants de femmes et de leurs lobbyistes.

Depuis, l’Allemagne est devenue la plaque tournante du trafic de femmes en Europe et le paradis des touristes du sexe venant des pays voisins. Voilà l’exception allemande. Même les Pays-Bas font marche arrière. Les pays scandinaves, eux, interdisent et sanctionnent depuis des années déjà le fait d’avoir recours à une prostituée. La France et l’Irlande sont sur le point de leur emboîter le pas. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, le trafic de femmes et la prostitution, indissociables l’un de l’autre, sont le secteur, avec le trafic d’armes et le trafic de drogue, dont les taux de profit sont les plus élevés (plus de 1 000 %). Or ces profits ne vont pas aux femmes. Même la minorité de prostituées d’origine allemande, souvent victimes dès l’enfance de violences sexuelles, vivent à plus de 90 % dans la pauvreté lorsqu’elles atteignent la vieillesse. Le cas des étrangères qui se prostituent sous la contrainte ou pour échapper à la misère est pire encore.

Le système de la prostitution est à la fois une exploitation et une perpétuation de l’inégalité traditionnelle entre les hommes et les femmes (comme entre les pays et les continents). Ce système rabaisse les femmes, qui ne sont plus que sexes vénaux, et nuit à l’égalité entre les sexes. Il injecte une brutalité dans le désir et affecte la dignité humaine des hommes comme des femmes – y compris celles qui ont “choisi librement” la prostitution.

C’est pourquoi nous exigeons des responsables politiques et de la société : – une modification de la législation qui mette un terme le plus rapidement possible à la libéralisation du commerce des femmes et de la prostitution, et qui protège les femmes ainsi que la minorité des hommes prostitués ;
– des mesures de prévention en Allemagne et dans les pays d’origine des prostituées, ainsi que des moyens pour aider les femmes à sortir de la prostitution. Des mesures de protection pour celles qui témoignent afin de les prémunir contre les expulsions et de leur garantir le droit de séjour ;
– l’information la plus large, dès l’école, sur les conséquences auxquelles s’exposent ceux qui achètent des femmes ;
– la proscription et, si nécessaire, la condamnation des clients, c’est-à-dire des personnes qui achètent des femmes, sans qui ce trafic humain n’existerait pas ; – des mesures qui mènent à court terme à l’endiguement et à long terme à l’abolition du système de la prostitution.
Oui, on peut imaginer une vie dans la dignité.

 Dessin d’Ares, Cuba.
Source Courrier International

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