dimanche 20 octobre 2013

Billets-Un système privé de bourses universitaires



Un système privé de bourses universitaires
Le canton de Lucerne veut mettre en place un système totalement nouveau qui permettrait aux étudiants d'obtenir une bourse auprès d'investisseurs privés. Les opposants redoutent une dérive "à l'américaine".

Le parlement du canton de Lucerne a adopté le 14 octobre en première lecture une nouvelle réglementation des bourses d'étude, qui, si elle passe le cap de la deuxième lecture, emprunte un chemin totalement nouveau pour la Suisse, puisqu'elle met sur pied une collaboration entre le canton et le secteur privé. Concrètement, l'association Studienaktie.org s'occupera des personnes dont la demande de bourse a été rejetée par le canton.
Studienaktie.org met les étudiants en contact avec des investisseurs : si ses revenus sont conformes aux attentes, l'étudiant devra en reverser jusqu'à 5 %. Studienaktie.org compte actuellement 220 investisseurs prenant en charge 110 étudiants.
C'est à la fin 2010 que le canton de Lucerne, ayant constaté l'existence de graves lacunes dans le système des bourses d'étude, a contacté Studienaktie.org pour chercher à l'améliorer, déclare Lars Stein, fondateur et président de l'association.
Cette coopération a pour but "l'accès à l'éducation pour tous", ajoute Stein. Les prêts conclus par l'intermédiaire de Studienaktie.org ne seront pas le seul moyen pour y parvenir. A la demande du canton, l'association va également contacter des fondations accordant des bourses. Le processus se déroulera de la façon suivante : on va d'abord déterminer la contribution que l'étudiant peut apporter et celle du canton. Si celui-ci ne verse rien, Studienaktie.org recherchera des fondations susceptibles de contribuer au financement des études de l'intéressé, explique Stein. Si l'association n'en trouve aucune, elle cherchera des investisseurs. Stein compte en outre faire intervenir d'autres organismes, par exemple les établissements d'enseignement supérieur et les entreprises.


  • Elargir le système de bourse
D'après Lars Stein, les candidats au domaine d'étude peu prometteur sur le plan des revenus professionnels ne passeront plus à travers les mailles du filet. L'association soutient déjà des jeunes dont les études ne promettent pas de gros retours financiers.
Ceci s'explique selon lui par le fait que les investisseurs ne misent pas uniquement sur la rentabilité financière, mais aussi sur un engagement personnel et social. Les personnes ainsi soutenues appartiennent pour une petite majorité à l'université de Saint-Gall (HSG), mais cela s'explique pour des raisons historiques : c'est dans cet établissement que Stein a fondé Studienaktie.org en 2006.
Pour Reto Wyss, le conseiller d'Etat [équivalent d'un ministre] chargé de l'éducation au canton de Lucerne, cette nouvelle réglementation est une bonne chose car elle n'est pas synonyme de restriction mais d'élargissement des possibilités. Jusqu'à présent, un millier de personnes échappaient chaque année au système de bourses cantonal. Ceci ne devrait plus se produire à l'avenir.
La contribution du canton devrait augmenter de 500 000 francs suisses [405 000 euros] par rapport à 2011 et passer à 13,7 millions de francs [plus de 11 millions d'euros]. Les bourses seront moins nombreuses mais leur montant sera plus élevé, ajoute Wyss. Comme auparavant, celui-ci ne suffira pas pour vivre et l'étudiant devra également apporter une contribution personnelle. Le calcul des bourses reposera sur des coûts plus proches de la réalité. La contribution des parents ne reposera plus sur le revenu imposable mais sur le revenu réel et le patrimoine.


  • "Américanisation" du système universitaire
La loi a été adoptée le 9 septembre à une forte majorité. Seuls le Parti socialiste et les Verts s'y sont opposés : ils craignent une américanisation du financement de l'éducation. Les représentants des étudiants ont également émis des critiques.
Pour l'Union des étudiants de Suisse (Unes), ce texte permet aux autorités de se dégager de leurs responsabilités. L'Unes se méfie en particulier du financement par des investisseurs : elle craint que les étudiants choisissent leur domaine d'étude en fonction de perspectives financières et de la possibilité de rembourser leur prêt. Elle voit dans la privatisation un danger pour l'égalité des chances.
L'Organisation des étudiants de l'université de Lucerne (SOL) dénonce également ce texte et exige que les parlementaires reviennent dessus. Les prêts privés représentent selon elle un gros risque pour les étudiants, c'est le meilleur moyen de pousser les jeunes dans le piège de la dette.
Si la loi est adoptée, elle entrera en vigueur le 1er avril 2014. Ce n'est qu'alors que le contrat avec Studienaktie.org prendra également effet. Lucerne est pour le moment le seul canton à être en négociation avec l'association pour un partenariat, confie Lars Stein, mais ce système suscite un certain intérêt à l'étranger.


 Photo Le pont de la Chapelle, dans la ville suisse de Lucerne 
Source Courrier International

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