dimanche 20 octobre 2013

Billets-Finkielkraut : l’agité de l’identité


Finkielkraut : l’agité de l’identité

Avec son nouvel essai, «l’Identité malheureuse», Alain Finkielkraut occupe tous les écrans, toutes les ondes, toutes les gazettes depuis une semaine. Un condensé de toutes les obsessions réactionnaires du moment.

Avec son nouveau livre, Alain Finkielkraut vient de s'exposer à un douloureux supplice de Tantale. Intitulé l'Identité malheureuse - choix étrangement autoparodique -, celui-ci tourne en effet autour de toutes les obsessions douloureuses de l'auteur sans manifestement parvenir à les soulager.

Ces obsessions, quelles sont-elles ? Le voile et « l'immigration de peuplement » en train de changer le visage de la France, la sempiternelle dénonciation des bobos entêtés de « diversité » et des élites hexagonales animées par la haine de la France, une petite musique de plus en plus entêtante depuis le milieu des années 2000 et qui aura pulvérisé le « front républicain » autant que fait exploser les tirages de feuilles hier encore confidentielles comme Valeurs actuelles.

Un crooner échaudé. Thèse générale : la France se déteste et ne célèbre les identités que lorsque celles-là sont exotiques. Son surmoi littéraire s'est par ailleurs effondré, et, manque de bol, les immigrés auxquels elle est aujourd'hui confrontée lui offrent le visage inédit de «l'Autre haineux». Tout n'est pas faux dans ce bouillon, à commencer par le concept de «romantisme pour autrui» qui restera comme la trouvaille du livre.

Tout y est d'autant moins critiquable que l'auteur donne l'impression constante de ne jamais arriver à y vider son sac, celui-là même qu'il déballait par exemple le 22 septembre dernier aux auditeurs de RCJ, en se lançant dans une défense enflammée de la «préférence nationale» et en s'extasiant sur le fait que le second de Marine Le Pen soit allé s'incliner sur la tombe du général de Gaulle.

Le problème, c'est que tel un crooner qui devrait enfin apparaître en pleine maîtrise de ses standards, Finkielkraut ne semble plus oser pousser la chansonnette, ou si peu, tant il donne le sentiment de fuir le pénible miroir qui lui fut tendu après ses déclarations incontrôlées de 2005 sur les émeutes de banlieue. Ainsi avons-nous droit, dans l'Identité malheureuse, à une longue rétrospective sur l'affaire du voile de Creil, en 1989, à des récapitulatifs appliqués sur les visions opposées de la nation française chez Barrès et Renan, à d'éternelles anecdotes ébouriffantes sur la barbarie collégienne, le tout agrémenté de coups de sang dérisoires contre le langage de routier de la miss Météo de Canal + ou des films déjà oubliés comme La guerre est déclarée, de Valérie Donzelli.

Avec ce feel good book réactionnaire, aux formules souvent bien frappées, Finkielkraut arrachera la prochaine une du Point et pourra aisément faire la roue jusqu'à Noël devant des critiques complaisants qui le présenteront comme le dernier poste avancé de la haute culture européenne. C'est ainsi. Les médias aiment Finkielkraut, car Finkielkraut aime les médias : à la suite d'un développement sur Pascal, il peut tout à fait citer Christophe Barbier.

Lorsque l'auteur se réclame avec insistance de Lévi-Strauss pour appuyer sa propre vision apeurée de l'identité nationale, on se pince toutefois. S'il est une chose que le géant de l'ethnologie incarnait, contrairement à Finkielkraut qui se vantait récemment de penser « sous le choc des événements », c'est bien le refus du narcissisme occidental et le regard distancié de celui qui sait mettre plusieurs siècles d'épaisseur et de calme entre les événements et lui.


Photo Alain Finkielkraut - JEROME MARS/JDD/SIPA
Source marianne.net


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire