dimanche 14 février 2016

Billets-Nicolas Hulot


Nicolas Hulot

Pour Télérama.fr, il revient sur les personnalités politiques qu'il a croisées dans sa carrière.

Il fréquente les politiques depuis un bon quart de siècle. D'abord conseiller de l'ombre de Jacques Chirac, lobbyiste star de l'écologie au moment de la Charte écologique, du Pacte écologique ou du Grenelle de l'Environnement, le voilà désormais officiellement au côté de François Hollande, envoyé spécial pour la protection de la planète.

« Les hommes passent, les problèmes écologiques s'aggravent, dit Nicolas Hulot. Toute oreille qui veut se tendre vers moi, dès lors qu'elle ne compromet pas mon indépendance, je lui parle… Il y aura toujours les mêmes esprits chagrins qui considèrent que, quoi que je fasse, je mange à tous les râteliers. Ne comprenant pas que j'incarne, là, ma transversalité, parce que l'écologie est transversale et ne peut pas s'accomoder des divisions politiques… »

Quel regard porte-t-il sur ces femmes et hommes politiques côtoyés au fil des ans, et deux ans après sa candidature malheureuse aux primaires d'EELV ? La réponse en treize noms, de Chirac à Cohn Bendit…

  • Jacques Chirac



« Il faut replacer nos échanges et son action dans le contexte de l'époque et l'indifférence de son camp à ses sujets. Je me souviens que, après une discussion téléphonique, il s'est prononcé pour l'interdiction des farines animale. Mais surtout, suite à de longues discussions, il a modifié la Constitution pour y adosser la Charte écologique et le fameux principe de précaution contre l'avis de la plupart des leaders de sa majorité.

Je lui suis gré d'avoir gardé mes mots au célèbre discours de Johannesburg au sommet de la terre. Au fil des ans, je lui ai apporté mes fiches et ma littérature écologiste, des piles de livres que je lui laissais après chaque entretien. Il a questionné, noté, appris. Notre dialogue ne s'est jamais interrompu, il s'est fait sans concession, et dans une estime réciproque. »

  • Chantal Jouanno



« Elle a longtemps été mon interface quand je ne discutais pas directement avec Nicolas Sarkozy. Elle fait partie de ces quelques politiques qui ont bien conscience que les enjeux environnementaux sont cruciaux mais qui restent, pour l'heure, trop isolés. Il y a une vraie sincérité chez elle. Et surtout c'est une battante courageuse. »

  • Michel Barnier



« Comme avec Michel Rocard ou Hubert Védrine, avec Michel Barnier nous avons eu de longs et réguliers échanges. C'est un travailleur, pas dogmatique. Il sait dépasser le carcan de son parti, sans jamais brader ses valeurs. C'est devenu un ami. Il fut un très bon ministre de l'Ecologie (la Loire lui doit beaucoup) et aussi de l'Agriculture. Comme Commissaire européen, il fait à Bruxelles un travail très précieux et opiniâtre sur la régulation de la finance. »

  • Nathalie Kosciusko-Morizet



« C'est une personnalité brillante, elle a été l'une premières “vertes” à droite. Extremement compétente sur tous les sujets environnementaux. Son ambition politique lui fait parfois manquer d'objectivité. »

  • Daniel Cohn-Bendit



« Je dis souvent que pour comprendre Dany Cohn Bendit, il faut avoir fait “psy + 25”. Sauf que je ne suis pas entré en politique pour ça. Dany est un vrai subversif qui s'amuse depuis quarante-cinq ans à faire dérailler le système chaque fois qu'il le peut.

Il a insisté comme nul autre pour que je me présente aux primaires d'EELV, en me disant que je pourrais compter sur lui. Sauf que durant toute la campagne, je n'ai reçu de sa part que des mots blessants et des attaques. Je n'exclus pas complètement l'hypothèse selon laquelle lui et d'autres m'ont encouragé à les rejoindre pour m'empêcher de me présenter, seul, contre eux, sur le créneau de l'écologie. Et mieux m'éliminer ensuite. »

  • Nicolas Sarkozy



« On m'a souvent demandé si Sarkozy était vraiment sincère et concerné par les problèmes environnementaux. Sans doute, au départ, a-t-il été pris dans un processus et y a-t-il eu de sa part un peu d'opportunisme. Ensuite, il a travaillé sur le sujet, et il y avait une part de conviction.

Il n'y a rien que lui et moi ayons acté ensemble qu'il n'ait pas tenu. Il a fait voter la taxe carbone retoquée ensuite par le conseil constitutionnel, il a nommé un ministre d'Etat du développement durable aux compétences élargies et, surtout, il a lancé et soutenu le Grenelle de l Environnement. A Copenhague il a été très offensif. Puis, par la suite, le sujet semblait l'agacer. »

  • François Mitterrand



« A sa demande, il m'a reçu à l'Elysée. Ce fut un grand moment de solitude. Je crois qu'en fait il ne savait pas qui j'étais et qu'en réalité un conseiller avait décidé pour lui de ma venue. Il ne m'a quasiment pas adressé la parole, je crois même que nos regards ne se sont pas croisés une seule fois. Visiblement, le sujet ne l'intéressait pas. A sa décharge, quand il m'a reçu, il était déjà très affaibli par la maladie et avait sans doute d'autres soucis en tête que les préoccupations environnementales de Nicolas Hulot… »

  • François Hollande



« J'ai une relation franche, sincère et respectueuse avec le Président. Il considère que notre dialogue et ma mission sont compatibles avec ma liberté de parole. Il a accepté que la France accueille la conférence climat en 2015, c'est d'une grande audace. Pour le reste, tout reste à faire. »

  • Eva Joly



« Nous avions un pacte, elle l'a rompu. C'est une affaire classée mais l'enjeu écologique a beaucoup souffert d'une campagne à l'ambiance calamiteuse. »

  • Cécile Duflot



« Au contraire du double langage de Cohn-Bendit et de Noël Mamère, je pense que Cécile Duflot a été sincère avec moi. Ses conseils ont été bienveillants et pertinents. En revanche, je regrette qu'elle n'ait pas “tenu” la primaire comme elle aurait dû le faire en tant que patronne : nous nous sommes retrouvés dans un barnum monstrueux au ras des pâquerettes, pas digne de nos enjeux.

Cela a clairement été préjudiciable au mouvement et, plus grave, à l'écologie. La campagne a été indigente, et EELV n'a pas réussi à contraindre les autres candidats à s'emparer de ses thèmes. Je compte sur les doigts d'une main les candidats des grandes formations politiques qui ont prononcé les mots “écologie”, “énergie” ou “changement climatique”… »

  • Ségolène Royal



« C'est une femme de courage et de détermination, mais j'avoue avoir été dépité lors de mes rares rencontres avec elle car curieusement la presse était toujours convoquée officieusement… Plus triste, nous avions convenu, au moment du Pacte écologique, de la nécessité d'une taxe carbone dès lors que l'on garantirait son équité sociale.

Pour des raisons strictement politiciennes et parce que Nicolas Sarkozy en a été l'initiateur, elle l'a torpillée et a anéanti des mois de travail, notamment le travail fait par la commission Rocard justement sur la neutralité de la taxe pour les plus démunis. Je regrette qu'elle ne soit pas suffisamment dans la proposition surtout à la hauteur de ces enjeux. »

  • Jean-Luc Mélenchon



« Oui j'ai fini par voter pour lui. Dans la campagne 2012, il etait le seul à avoir parlé de “règle verte”, de planification écologique et de la nécessité de remettre la finance au pas. Et il a été sur ce sujet bien meilleur pédagogue et orateur que d'autres. On ne s'est jamais rencontrés. »

  • Jean-Louis Borloo



« J'ai une grande estime pour Jean-Louis Borloo, qui a porté le Grenelle à bout de bras. On s'est parfois engueulé, jamais fâché. »

Nicolas Hulo. © Julien Mignot pour Télérama
Source telerama.fr Propos recueillis par Weronika Zarachowicz

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