dimanche 24 mars 2013

Billets-Les Affaires…


Les Affaires… Droite ou gauche, personne n'est épargné !

François Hollande a fait de la lutte contre la corruption l'un de ses chevaux de bataille. Pourtant, la gauche, tout comme la droite, est visée par la justice.

L'avènement de l'ère Hollande n'y aura rien fait : du ministre du Budget à Christine Lagarde, les affaires continuent d'éclabousser indifféremment droite et gauche à Paris. Comme au temps de Sarkozy.
Aujourd'hui la droite. Hier la gauche. Il en va ainsi : à Paris, les perquisitions au domicile de Christine Lagarde, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, dans le cadre de l'affaire Tapie, sont une épine dans le pied de l'actuelle directrice générale du Fonds monétaire international. La veille [le 20 mars], on apprenait la démission du socialiste Jérôme Cahuzac, jusqu'alors ministre du Budget, soupçonné d'évasion fiscale [et de blanchiment de fraude fiscale] dans de bien commodes paradis offshore. Les "affaires*", comme on les appelle en France, ne font pas de distinction entre droite et gauche.
Pendant la campagne électorale de François Hollande, la gauche avait insisté lourdement sur ce point : avec nous, finie l'époque des manigances, de l'argent facile, du copinage. A dire vrai, les socialistes n'ont pas été épargnés par les affaires par le passé. A l'époque de l'opération "mains propres" à la française, voilà dix ans, celle qui était alors juge de choc, Eva Joly, s'en était pris tout particulièrement à Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères et jadis intime de François Mitterrand. Sans oublier l'affaire Strauss-Kahn.
A l'heure de la présidentielle, toutefois, François Hollande a pris ses distances avec ce dernier. Et si le chef de file socialiste a remporté l'élection, c'est aussi grâce à la "volonté de faire le ménage" qu'on lui prêtait après l'ère Sarkozy, l'ami des puissants - et notamment des patrons. L'affaire* qui aura le plus marqué l'imagination collective, en mal, est l'affaire Bettencourt.
Pendant des années, la vieille dame aurait été victime d'"abus de faiblesse" de la part de son entourage afin d'obtenir des financements destinés à Sarkozy, qu'elle connaissait depuis des années, et à sa formation politique. L'instruction est encore en cours mais, quelle qu'en soit l'issue, l'opinion publique française a été marquée par les écoutes téléphoniques relayées par les médias, qui montrent que, pendant des années, la milliardaire a été l'otage de personnages liés de près ou de loin à l'ancien président.

  • Pas de jaloux
Nous l'avons vu, Hollande a fait de la lutte contre la corruption l'un de ses chevaux de bataille. Or, avec le cas Cahuzac, les socialistes se trouvent à leur tour empêtrés dans les affaires*. L'influent ministre du Budget (mais aussi chirurgien esthétique, qui a fait fortune dans la greffe de cheveux, grâce aux clients de la bonne société parisienne), est accusé d'avoir détenu, au moins jusqu'en 2010, un compte bancaire en Suisse, où il aurait placé une partie de ses capitaux pour éviter de verser de lourds impôts dans son pays.
Le parquet de Paris vient d'ouvrir une information judiciaire. Si Cahuzac a toujours martelé qu'il était innocent, qu'il n'avait jamais ouvert de compte bancaire à l'étranger et qu'il démissionnait "pour mieux [se] défendre", les premiers éléments de l'enquête, publiés par les médias, écoutes téléphoniques comprises, sont à charge et pour le moins embarrassants.
Vingt-quatre heures ne s'étaient pas écoulées depuis sa démission (dans la série "on ne fait pas de jaloux") que resurgissait une vieille histoire (assez embarrassante elle aussi) impliquant cette fois un personnage de droite, Christine Lagarde. L'actuelle directrice du Fonds monétaire international était à la tête du ministère de l'économie en 2007 et ce fut elle qui confia le règlement de l'affaire Adidas à un tribunal arbitral en lieu et place de la justice ordinaire. Grâce à la décision de Christine Lagarde de passer la patate chaude à un tribunal arbitral, une instance juridique privée, (une décision déjà très controversée à l'époque, et peut-être liée à des pressions émanant de Nicolas Sarkozy), Bernard Tapie a obtenu une indemnité record de 403 millions d'euros. Si l'on soustrait ce qu'il devait au fisc, Bernard Tapie a empoché la coquette somme de 240 millions d'euros. Et voilà qu'aujourd'hui, dans le cadre d'une enquête sur l'affaire, le domicile de Christine Lagarde vient d'être perquisitionné par surprise. De quoi rappeler que le problème des affaires est transversal en France. Nul n'est épargné. Un jour à droite, un jour à gauche.

Dessin de Vlahovic 

samedi 23 mars 2013

Billets-Sarko, le diabolique détrousseur de vieilles dames


Sarko, le diabolique détrousseur de vieilles dames

La mise en examen de l'ancien président n'a rien de surprenant : les Français sont un peuple qu'on ne peut pas tromper bien longtemps, écrit le journaliste espagnol Javier Valenzuela.

Personne ne s'est autant acharné à détruire l'image de Nicolas Sarkozy que Nicolas Sarkozy lui-même. Le soir de son élection, en mai 2007, en choisissant de fêter sa victoire au Fouquet's avec ses amis millionnaires du monde des affaires et du spectacle, tous ses grands discours destinés à se faire passer pour un homme proche des Français ont été réduits d'un seul coup à néant.
Et dans les mois qui ont suivi, faisant preuve d'un culot et d'un entêtement inouï, Sarkozy n'a pas hésité à se faire photographier à bord de yachts luxueux dans des endroits paradisiaques, confirmant ainsi qu'il avait tout d'un Rastignac. Une telle soif de pouvoir associée à une tendance incontrôlable à l'autodestruction relève de la pathologie. Tout comme la crise économique, et plus que le travail de sape de l'opposition socialiste, c'est sans doute ce trait de caractère qui lui a valu l'année dernière de se trouver dans la situation de suprême ridicule de manquer de peu sa réélection et de ne rester qu'un seul mandat à la tête du pays.
Aujourd'hui Sarkozy est accusé par un juge d'avoir commis une faute d'une malhonnête impardonnable : avoir profité de la faiblesse d'une vielle femme atteinte de la maladie d'Alzheimer pour lui piquer son pactole. Le jeudi 21 mars au soir, l'ancien président français s'est ainsi retrouvé au palais de justice de Bordeaux à devoir s'expliquer pendant des heures devant le juge Jean-Michel Gentil. Dans le cadre de cette audition, le juge avait organisé une confrontation avec des personnes qui avaient travaillé pour l'héritière de l'empire L'Oréal. Et notamment Pascal Bonnefoy, ancien majordome de Liliane Bettencourt et auteur des enregistrements qui furent à l'origine du scandale révélé en juin 2010 par Médiapart. En mettant en examen Nicolas Sarkozy, le juge Gentil considère qu'il existe des éléments rationnels permettant de penser que Sarkozy a soutiré de l'argent à Liliane Bettancourt afin de financer sa campagne électorale de 2007.

  • L'Hexagone n'est pas collectivement atteint de la maladie d'Alzheimer
Je ne vois pas bien, à première vue, quel auteur français de polar* pourrait traiter [ou aurait pu traiter] l'affaire* Bettencourt. Certes, pas les classiques de la branche dure de la Série noire*, Jean-Patrick Manchette ou Didier Daeninckx, plus habitués à raconter des histoires de gangsters très violents. Pas non plus le Marseillais Jean-Claude Izzo, dont les romans pourraient être rattachés à la veine méditerranéenne et sociologique d'un Manuel Vázquez Montalbán ou d'un Petros Márkaris. Fred Vargas, avec ses intrigues énigmatiques, entre le policier et le fantastique – capable de raconter l'affaire d'un vieillard qui assassine sa femme à la mie de pain –, serait sans doute la mieux à même de raconter l'affaire. Ou le Belge George Simenon...
Une chose est sûre, le livre auquel les déboires de Sarkozy et l'affaire Bettencourt me renvoient le plus directement est L'Histoire universelle de l'infamie de Jorge Luis Borges. Entre Le Peu Civil Maître de cérémonies Kotsuke no Suké et L'Imposteur invraisemblable Tom Castro, une nouvelle borgésienne intitulée Sarko le diabolique détrousseur de vieilles dames pourrait trouver sa place.
En mai 2002, dans un texte de Crónica Negra ayant pour titre The French Connection, j'ai écrit : "Sarkozy peut être vaincu ce dimanche 6 mai par François Hollande (...). Ce serait un échec personnel impressionnant pour Sarko 'le Petit'. Cela confirmerait que ses fourberies, son état d'excitation permanent, sa passion obscène pour les riches et autres célébrités, son agressivité et sa démagogie sont devenus insupportables à des dizaines de millions de Français."
Même si elle s'est confirmée, cette prédiction n'avait pas grand mérite. Moins crédules par exemple que les Américains les Français sont un peuple qu'on ne peut pas tromper majoritairement pendant longtemps. La démence sénile d'une Liliane Bettencourt n'est pas une maladie collective de l'Hexagone.

Dessin de Glez

vendredi 22 mars 2013

Billets-UE : Grandes idées et langue de bois


UE : Grandes idées et langue de bois

Chaque année, l’UE produit des milliers de pages de rapports, de discours et autres règlements. Tous ces textes censés porter le projet européen ont un point commun : un langage pompeux et désincarné digne d’un régime dogmatique, déplore un politologue tchèque, Tomáš Břicháček

Chaque semaine, les institutions européennes et leurs représentants produisent des dizaines de documents officiels et de déclarations de toutes sortes. S’entassent textes législatifs, propositions de loi, livres blancs et verts, rapports, résolutions, avis, discours, etc. La singularité de la langue dans laquelle ils sont rédigés ou formulés constitue une de leurs propriétés intrinsèques.
Ce qui frappe immédiatement dans la langue de l’Union européenne, c’est son utilisation massive de locutions figées que l’on recycle en permanence avec quelques variations. Une partie est codifiée dans le droit primaire de l’UE, une autre émane des documents programmatiques clés adoptés par exemple dans le cadre de la stratégie de Lisbonne ou de l'agenda Europe 2020. C’est comme si l’on avait pétrifié cette langue en blocs compacts, qui, grâce au copié-collé, permettent d’établir rapidement la structure de toute forme écrite ou orale.
“Le développement durable fondé sur une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social", "le combat contre l'exclusion sociale et les discriminations", "la croissance intelligente, durable et inclusive", *"le modèle social européen"...etc. Autant de "blocs" qui comptent parmi les plus appréciés.
Et même lorsque les expressions les plus stéréotypées font défaut, il reste que la langue de l’Union se caractérise par une lourdeur extrême et une surabondance de clichés vides de sens.

  • Emphase et triomphalisme
Par exemple, l’Acte pour le marché unique (2011), un document de la Commission européenne, commence par cette phrase remarquable : "Au cœur du projet européen depuis sa fondation, le marché commun, devenu le marché intérieur tisse, depuis plus de 50 ans, des solidarités entre les femmes et les hommes d’Europe en même temps qu’il ouvre de nouveaux espaces de croissance à plus de 21 millions d’entreprises européennes". Le Parlement européen l’a avalisé en insistant notamment sur l’importance de "mettre les citoyens au cœur du projet du marché unique", et en affirmant que "le marché unique recèle un grand potentiel en termes d'emploi, de croissance et de compétitivité et qu'il convient d'adopter des politiques structurelles fortes pour exploiter pleinement ce potentiel".
Dans le Livre blanc sur le sport publié en 2007, la Commission écrit : "Le sport attire les citoyens européens dont une majorité pratique une activité sportive régulièrement. Il véhicule des valeurs importantes telles que l'esprit d'équipe, la solidarité, la tolérance et la loyauté, contribuant à l'épanouissement et à l'accomplissement personnel. Il promeut la participation active des citoyens de l'Union européenne à la société et contribue de la sorte à favoriser une citoyenneté active".
Les institutions européennes et leurs représentants raffolent tout particulièrement de ces expressions ampoulées empreintes de triomphalisme. L’Union est décrite et pensée comme "un acteur clé de la scène mondiale", on esquisse "une vision européenne des massifs montagneux" ou encore "une vision européenne des océans et des mers", on exhorte à "raviver l’esprit d’entreprise en Europe", on appelle à "une large mobilisation politique fondée sur une vision et des options communes ambitieuses".
Dans une communication de 2010, Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, la Commission affirme : "La crise est un signal d’alarme. […] Unis, nous pouvons riposter et sortir renforcés de la crise. Nous possédons les nouveaux outils et l’ambition nouvelle nécessaires. À nous de la concrétiser".
Il ressort de très nombreux textes et déclarations une véritable ferveur triomphaliste. Dans le Livre blanc sur la jeunesse, au sous-titre un rien orgueilleux "Les jeunes en première ligne", on peut lire : "L'Union doit se construire avec les Européens. Les consultations organisées en vue de préparer son évolution, les réflexions engagées sur sa "gouvernance" doivent également inclure ceux qui prendront demain le relais (…)".

  • Paternalisme de gauche
Les textes et les discours de l’UE sont souvent imprégnés de dogmes, de préceptes déclinés sur un ton moralisateur et paternaliste. Comme si leurs auteurs tenaient le rôle du professeur devant ses élèves, le rôle d’une élite éclairée, qui connaît tout mieux que tout le monde et répand le bien et la connaissance parmi les gens ordinaires.
Mais en lisant ou en écoutant certaines des déclarations de l’Union, nos concitoyens d’âge moyen ou avancé auront plutôt le sentiment d’un retour à l’enfance ou à leur jeunesse [au temps du régime communiste]. Rien d’étonnant à cela. Les traits caractéristiques de cette langue sont habituellement associés à une vision du monde marquée à gauche. Pour marquer leur rupture avec le régime du passé, nos partis de gauche ont quelque peu délaissé ce ton.
Mais en Europe occidentale, la situation est différente. La langue est juste une preuve supplémentaire que la gauche, qui parvient à profiter des structures de l’Union pour promouvoir son programme politique, est la force motrice de l’orientation actuelle de l’UE. Le ressassement continuel des mêmes dogmes et formules toutes faites est l’expression d’une paresse, d’un engourdissement intellectuel, d’un manque d’esprit critique, d’un cheminement perpétuel dans des sentiers battus. Elle illustre à quel point il manque aux élites de l’Union une faculté d’autoréflexion, qui leur permettrait de réaliser que ce sont des ambitions démesurées qui ont plongé l’UE dans la crise actuelle, une capacité à sortir de l’impasse du programme de centralisation.

Dessin de Mayk
Traduction : Pierre-Laurent Cosset
Source Courrier International

jeudi 21 mars 2013

Recettes Desserts-Clafoutis aux abricots



Clafoutis aux abricots

Préparation : 15 mn
Cuisson : 30 mn
Pour 6 personnes
90 g de farine
60 g de sucre en poudre
2 sachets de sucre vanillé
1 pincée de sel
25 cl de crème liquide
25 cl de lait
2 œufs
20 g de beurre fondu + 20 g pour le moule
300 g d’abricots
1. Préchauffez le four à 200 °C (th. 6/7).
2. Dans un saladier, versez la farine, le sucre, les sachets de sucre vanillé, la pincée de sel, la crème liquide et le lait.
3. Dans un puits, cassez les œufs et versez le beurre fondu.
4. Mélangez le tout au mixeur pour obtenir une pâte homogène.
5. Beurrez un moule et déposez les abricots coupés en deux au fond du moule.
6. Versez la pâte sur les abricots et mettez au four pour 30 minutes environ.
7. Le clafoutis est prêt lorsqu’il est bien doré.
Variante
Vous pouvez faire de la même façon un clafoutis aux mirabelles. Ajoutez dans la préparation 3 cl d’eau-de-vie de ces fruits.


mercredi 20 mars 2013

Billets-Robert Castel


Robert Castel

Il a été l’un des premiers en France à analyser la montée de la précarité dans le travail : le sociologue Robert Castel, directeur d'études à Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), est mort le mardi 12 mars 2013.

Propos recueillis par Thierry Leclère le 09 mai 2009.
Pour le sociologue Robert Castel, avec la crise actuelle, nous sommes arrivés à une bifurcation. Il est temps, selon lui, de repenser notre modèle social et de trouver de nouvelles façons de domestiquer les marchés.
Alors que des traders français partis faire fortune à Londres reviennent au grand galop s'inscrire au chômage, à Paris, pour toucher des indemnités, la crise est vécue de plus en plus durement par les Français les plus modestes. La colère sociale monte, au même rythme que le compteur fou des licenciements collectifs.
Nombre de spécialistes ont décrit cette explosion en vol du capitalisme financier comme un tournant brutal et quasi imprévisible. Le sociologue du travail Robert Castel, au contraire, en adepte des analyses au long cours, date le changement de modèle du capitalisme et les prémisses de la domination de la finance du milieu des années 1970. Dans Les Métamorphoses de la question sociale (éd. Fayard, 1995), il avait décrit l'installation du « précariat » dans le monde du travail. Son dernier ouvrage, La Montée des incertitudes, recueil actualisé de textes écrits entre 1995 et 2008, confirme l'acuité du regard de ce septuagénaire affable qui veut bien délivrer sa science mais s'interdit de jouer les experts-prophètes. Un directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) dont le savoir est doublé d'une saine modestie qui lui permet souvent, en interview, de dire : «Je ne sais pas.»

  • Vous avez scruté, ces dernières années, l'effritement de notre modèle social. Quel effet d'accélérateur risque d'avoir la crise actuelle ?
Elle aura eu au moins une fonction de révélateur. Elle a ouvert les yeux de beaucoup sur la logique profonde du capitalisme d'aujourd'hui qui nous conduit droit à la catastrophe. Il y a encore quelques mois, en appeler à l'Etat, à des régulations sociales, à des protections, était considéré comme ringard. Il fallait se mettre au goût du jour, c'est-à-dire accepter l'inconditionnalité du marché et de son fonctionnement.
Le soi-disant « marché autorégulé », comme disait l'économiste Karl Polanyi (1886-1964), obéit en fait à ses propres impératifs (rentabilité, concurrence absolue...). Il nous a conduits là où nous en sommes. Et peut-être pire demain. Il faut envisager cette crise comme quelque chose de systémique ; c'est vrai que l'emballement du capital financier international a été le plus spectaculaire, le plus destructeur aussi, mais cette crise récente a été préparée, bien en amont, par des dérégulations dans l'économie réelle et les protections sociales. Elle est la pointe avancée d'un processus plus général.

  • Qu'entendez-vous par là ?
Nous sommes à une bifurcation – je préfère ce terme au mot « crise », trop passe-partout – dont l'origine remonte sans doute au milieu des an­nées 1970. C'est à ce moment-là que nous sommes sans doute sortis du capitalisme industriel. Celui-ci avait posé ses bases à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; il avait été impitoyable à certains égards, mais il avait aussi accepté des formes de compromis offrant aux salariés un certain nombre de droits et de protections. Le salarié moyen des années 1960 ne roulait pas sur l'or, mais il avait acquis les conditions d'une certaine indépendance sociale, lui permettant d'être un citoyen à part entière. C'est ce socle du compromis social hérité du capitalisme industriel qui s'est fissuré et qui nous mène maintenant à un nouveau régime du capitalisme. Aujourd'hui, on assiste au retour de travailleurs pauvres ; j'ai avancé le terme « précariat » pour signaler que la précarité n'est plus un mauvais moment à passer, quelque chose de transitoire en attendant l'emploi durable. Pour beaucoup de gens, la précarité devient une condition à part entière.

  • Depuis la crise, beaucoup en appellent à la « moralisation » du marché. Qu'en pensez-vous ?
C'est un non-sens. Que peut-on demander au marché sinon d'être le marché ? Il fait son travail. Etre compétitif, faire le maximum de profits... Le marché fonctionne comme ça. Je ne dirai pas que c'est immoral, c'est amoral. Et donc l'idée de moraliser le capitalisme est inepte. Ce qu'il faudrait essayer de faire, c'est encadrer le marché, le domestiquer.

  • Par quels moyens ?
Ce n'est pas à moi de trouver les solutions politiques, mais le capita­lisme industriel avait partiellement réussi à construire un Etat social, avec un droit du travail consistant qui avait posé des limites à l'arbitraire patronal. Avec des protections sociales fortes donnant, par exemple, le droit à la retraite...

  • Au regard du temps long sur lequel vous travaillez, constatez-vous une radicalisation des conflits sociaux ? Les séquestrations de patrons, ces dernières semaines, sont-elles le signe précurseur d'un mouvement social de grande ampleur ?
Ce sont des réactions ponctuelles et je ne dirais pas, comme Dominique de Villepin, qu'il y a un « risque révolutionnaire » en France ! Les grands bouleversements historiques arrivent par des formes de manifestations collectives. Des actions dispersées, même significatives, ne forment pas nécessairement un mouvement collectif. Mais je suis sociologue et pas prophète. L'avenir nous le dira...

  • A la fin des années 1990, la France vivait au rythme du débat sur les 35 heures et le temps libre. Dix ans plus tard, nous en sommes au « travailler plus pour gagner plus » et à une régression des droits sociaux. Comment le sociologue du travail que vous êtes juge-t-il ce retournement ?
Il y a dix ans, les discours sur la fin du travail ou la fin du salariat avaient le vent en poupe, ce qui était d'ailleurs un peu stupide. Ces thèses me paraissaient insoutenables vu la centralité du travail dans nos sociétés. Maintenant, nous sommes passés, à l'inverse, à une sorte d'apologie inconditionnelle du travail. Travailler pour travailler.
Il y a des types d'emploi qui sont non seulement nécessaires mais aussi indispensables parce qu'ils assurent la dignité du travailleur. Mais il y a des formes d'activité – peut-être ne faut-il pas les appeler à proprement parler des emplois – auxquelles on vous pousse lorsque vous êtes aux abois : « Eh bien... travaille ! » enjoint la société. « Fais n'importe quoi pour ne pas être un "mauvais pauvre" !, comme on disait autrefois, c'est-à-dire quelqu'un qui vit aux crochets de la société, aux dépens de la France qui se lève tôt. Alors travaille ! Mais ne sois pas trop regardant sur les conditions. » C'est comme ça qu'on devient un travailleur pauvre. Ou peut-être pire. Prenez le RSA : le revenu de solidarité active secrète des gens qui sont pour moitié, ou pour le quart, des travailleurs, mais qui ont un salaire tellement insuffisant, une durée de travail tellement partielle, qu'ils ne peuvent pas en vivre. Ils deviennent des assistés. On n'a pas assez réfléchi à cette figure hybride qui traduit une sorte de brouillage des frontières entre travail et assistance.

  • Au moment des grèves en Guadeloupe et en Martinique, des intellectuels antillais, autour d'Edouard Glissant et de Patrick Chamoiseau, ont écrit un beau texte, radical et poétique, intitulé Manifeste pour les "produits" de haute nécessité. Ils y contestaient la place même du travail comme valeur dans la société d'aujourd'hui. Qu'en pensez-vous ?
C'est effectivement un beau texte, mais ça ne veut pas dire qu'il soit vrai. Les auteurs de ce manifeste pensent probablement à des formes pré-industrielles de travail. Quelque chose de gratifiant, d'inscrit dans tout un réseau de rapports sociaux et humains.

  • Effectivement, ils en appellent aussi au troc, à la gratuité...
C'est une conception tout à fait respectable du travail dont on peut avoir la nostalgie, mais c'est précisément cette conception-là que le capita­lisme industriel a cassée en ­arrivant.
Rappelons que l'implantation du capitalisme en Europe occidentale a été très sauvage, témoin la condition des prolétaires des débuts de l'industrialisation. Ensuite, on a pu parler de « salaire indirect », c'est-à-dire d'une part du travail qui revient au salarié pour financer sa sécurité, son droit à la retraite... Avec le statut de l'emploi, on a quand même échappé à la marchandisation complète du travail. Il est vrai que la voie que nous avons empruntée à partir des années 1970 risque d'y reconduire, au moins partiellement.

  • Ne serions-nous pas en train de rejoindre la face sombre du modèle américain, c'est-à-dire l'obligation pour beaucoup d'avoir deux emplois, des temps de travail plus longs, des petits boulots, y compris pour les personnes âgées, des protections sociales moins fortes ?
Incontestablement. L'expression working poors nous est d'ailleurs arrivée d'Amérique. A l'avenir, nous risquons d'avoir de plus en plus de travailleurs pauvres et de précarité permanente. Mais des signes montrent que les gens ne se résigneront pas complètement à cela. Ce n'est pas non plus l'intérêt du capitalisme que de réduire les salariés à la condition de travailleurs jetables dont on se débarrasse sans aucun scrupule. Le système, pour être performant, a besoin de « capital humain », selon la formule de l'économiste américain Gary Becker. Des travailleurs formés, capables de se recycler, de prendre des initiatives, d'être efficaces... Peuvent-ils l'être sans un minimum de sécurité et de protection ?

  • Mais qui financera, demain, la protection sociale ? Vous écrivez qu'« il faut repenser les solidarités » car l'essentiel ne peut plus, selon vous, être financé par les seules cotisations du travail ?
Cela ne me fait pas plaisir de parler ainsi, mais il faut être réaliste. Avec un chômage important, une précarité du travail de plus en plus grande, compte tenu aussi de l'allongement de la durée de vie, il serait idéaliste de vouloir maintenir la quasi-intégralité du financement de la protection sociale sur la base des cotisations patronales et salariales issues du travail. Si on s'acharnait dans cette direction, cela risquerait de faire craquer le système. Avoir recours à l'impôt, au moins en partie, est sans doute la solution à laquelle il faut se résigner pour garder notre système actuel de droits. Cette tendance a déjà été amorcée depuis 1990 sous le gouvernement Rocard avec la contribution sociale généralisée ; la CSG finance actuellement une partie très importante du versant santé-maladie de la Sécurité sociale. Grâce à elle, notre système a pu être préservé.

  • Parmi les solutions d'avenir, la CGT et le Parti socialiste ont beaucoup développé l'idée de « trajectoires sécurisées » qui permettraient de donner de nouveaux droits (formation permanente, notamment) à des salariés pendant leur période de chômage. Qu'en pensez-vous ?
C'est dans cette direction qu'il faut aller. Avec l'idée d'attacher de nouveaux droits et de nouvelles protections à la personne du travailleur et non plus à l'emploi qu'il occupe : actuellement, un salarié qui n'a plus de contrat de travail se retrouve trop démuni. Des chercheurs comme Alain Supiot ou Bernard Gazier ont beaucoup travaillé sur ces sujets.

  • Quelles formes prendraient ces « trajectoires sécurisées » ?
Le salarié garderait des droits dans des situations de hors travail, d'ailleurs très diverses : chômage, périodes de recyclage, etc. Alain Supiot a imaginé, par exemple, des « droits de tirage sociaux » : le travailleur qui se retrouve sans emploi pendant un an aurait le droit d'avoir une rémunération décente assortie de l'obligation de se former. Cette idée de « droits de tirage sociaux » me paraît très séduisante, même si sa mise en œuvre pose des problèmes difficiles. Comment seraient-ils financés ? Par l'impôt ? Par l'entreprise ? Par les travailleurs eux-mêmes ?

  • Vous êtes un réformateur, adepte du compromis social. Qu'est-ce qu'être de gauche, pour vous, aujourd'hui ?
Quelqu'un de gauche doit, selon moi, défendre l'idée d'une « sécurité sociale minimale garantie », un peu comme on parle du smic pour le travail. Avec sept ou huit droits attachés comme le droit à la santé, au logement... C'est la moindre des choses. Nous ne sommes quand même pas dans une société pauvre.
Une partie du Parti socialiste, notamment au début des années 1980, a été complice et parfois propagatrice de cette idéologie du tout-­entreprise comme seul fondement de la richesse sociale. J'espère que le PS comprendra qu'il faut aller plus loin. Vers un véritable réformisme de gauche, en domestiquant le marché, en lui imposant des contraintes, et en défendant vraiment l'idée d'une Europe sociale.


Robert Castel en 2005. ©PHOTOPQR/OUEST FRANCE/STEPHANE GEUFROI.

mardi 19 mars 2013

Recettes Desserts-Fondue au chocolat et aux fruits



Fondue au chocolat et aux fruits

Préparation : 10 mn
Cuisson : 10 mn
Pour 4 personnes
200 g de chocolat noir
1 citron
4 kiwis
2 poires
2 mandarines
10 cl de crème fraîche liquide
1. Pressez le demi-citron. Pelez les bananes, coupez-les en rondelles, citronnez-les. Pelez les kiwis, taillez-les en rondelles. Pelez les poires, retirez-en le trognon et découpez-les en morceaux. Epluchez les mandarines, séparez les quartiers. Répartissez les fruits sur quatre assiettes à dessert.
2. Cassez le chocolat en morceaux. Versez la crème dans une casserole, portez à ébullition, puis retirez la casserole du feu et incorporez le chocolat en mélangeant jusqu’à ce qu’il soit fondu. Servez le chocolat au centre de la table, disposez les assiettes de fruits devant les convives.
3. Trempez les morceaux de fruits dans le chocolat, à l’aide de piques à brochettes.

C’est l’un des desserts préférés des enfants et des ados.
Variante
C’est aussi bon avec des pommes, des figues et des mangues. Servez avec des tranches de brioche, des noisettes grillées concassées ou des amandes effilées grillées.


lundi 18 mars 2013

Recettes Légumes-Asperges aux morilles



Asperges aux morilles

Préparation : 15 mn
Cuisson : 1 h 35 mn
Pour 4 personnes
400 g de morilles fraîches
2 bottes d’asperges vertes
2 petites oranges non traitées
1 échalote
25 cl de crème liquide
10 cl de bouillon de volaille
1 cuillerée à soupe d’huile d’olive
Sel
Poivre
1. Préchauffez le four à 90 °C (th. 3).
2. Rincez les oranges, essuyez-les. Prélevez les zestes avec un économe. Faites-les sécher 1 h 15 dans le four sur une plaque recouverte de papier de cuisson. Après refroidissement, mixez-les pour les réduire en poudre.
3. Coupez le pied des morilles. Rincez les chapeaux à grande eau, égouttez-les. Pelez les asperges. Coupez les pointes à 10 cm (gardez les tiges pour une soupe). Hachez l’échalote.
4. Chauffez l’huile dans une sauteuse. Faites-y fondre l’échalote 2 à 3 minutes à feu doux. Ajoutez les morilles et les asperges. Mélangez 2 minutes, puis versez le bouillon. Salez, poivrez. Laissez cuire 10 minutes à feu doux. Ajoutez la crème. Poursuivez la cuisson 5 minutes. Hors du feu, mélangez-y quatre bonnes pincées de poudre d’orange.
5. Servez chaud.


dimanche 17 mars 2013

Billets-David Bowie: Un prince de la soul


David Bowie: Un prince de la soul

Bowie abandonne les masques et les soieries bariolées, il donne dans le rhythm'n'blues de mutant. Puis, il invente encore un personnage : le Thin White Duke est né.

En 1974, il suffit de partir en Amérique pour s'évanouir dans un univers parallèle. Ordonnateur de ses savantes disparitions, David Bowie l'a parfaitement compris. Après quelques mois de silence, il reparaît de l'autre côté de l'Atlantique et le choc est considérable pour ses fans d'ici, qui reçoivent les nouvelles et les images au compte-gouttes. Ziggy a troqué les masques et les soieries bariolées pour un costume d'une pâleur d'azur et un brushing roux de jeune dandy.

Dans la mise en scène sophistiquée d'un show qui vire à la comédie musicale, ses chansons se sont métamorphosées avec lui, transportées par un rythme et des guitares funky piqués aux meneurs de revue « black » de l'époque, James Brown ou les Jackson 5. Les comptes rendus brossent le portrait en pâmoison d'une star idéalement absente, tout en pose, théâtre et distance, sans un mot pour son public, s'éclipsant sans adieu ni rappel (« David Bowie a quitté le bâtiment », dit un message laconique diffusé par la sono pour calmer les foules, comme aux temps hystériques du jeune Elvis).

Au fil de quelques maigres entretiens, on apprend, émerveillé, que Bowie considère le rock comme une pauvre valeur du passé (« une vieille dame édentée », proclamera-t-il). Il est ailleurs. Complètement « parti » dans un pays où tout lui semble étranger, y compris lui-même. Il ne quitte pas sa limousine et celle-ci le dépose souvent, la nuit, sur les avenues de Harlem, aux portes de l'Apollo Theater, où il va écouter les jeunes princes soul qui affolent l'époque.
« Tous les chanteurs anglais ont rêvé, un jour ou l'autre, d'être noirs », commente son producteur Tony Visconti. Certes, mais cette greffe est autrement stupéfiante. En ces temps de black power, de groove tout-puissant et de héros aux superpouvoirs érotiques, Bowie n'est pas un simple Londonien, chic et androgyne, qui vient se régaler des pulsions orgiaques de la musique noire. Il est plus blanc que blanc, il est diaphane, aussi translucide qu'un fantôme, dont la voix et l'élégance émaciée, entre Dietrich et Sinatra, inventent un rhythm'n'blues de mutant.

Dans les studios où s'est étoffé le légendaire son de Philadelphie, fétiche de l'Amérique noire, il enregistre le déroutant Young Americans, porté par un tube funky, Fame (ébauché avec John Lennon dans le studio de Jimi Hendrix), où il s'épanche sur les angoisses de la gloire. Il court superbement à sa perte. La cocaïne est un stimulant à double tranchant, qui menace d'avoir sa peau.
On perd régulièrement sa trace et, quand on le retrouve, il est au bord de la dépression, replié dans un studio de Hollywood où, entre tarot et magie noire, il redistribue les cartes et pose les premiers jalons d'une série de chefs-d'œuvre qui le feront dériver de Los Angeles à Berlin, toujours isolé, superbe et étranger.

En 1976, un an avant la déferlante punk, Station to station est une prodigieuse vision du futur, un hallucinant collage de sons et de sentiments qui entremêle les transes hypnotiques de la techno à venir, les harmonies et le lyrisme intemporel de la soul et du cabaret. Il invente pour cet album un personnage dont il ne se séparera plus et qu'on retrouvera dans les somptueuses brumes de pop électronique de Low ou Heroes : « the Thin White Duke throwing darts in lovers' eyes » (le mince duc blanc qui plante ses flèches dans les yeux des amoureux). Un homme venu d'ailleurs. Celui dont on attendra toujours fébrilement le retour. ­

Source Télérama
1976. The Archer : Station to station tour, photographie de John Rowlands. © John Robert Rowlands

Billets-David Bowie: Un hippie brechtien


David Bowie: Un hippie brechtien

David Jones devient David Bowie et l'acte de naissance du glam rock est signé. La mutation décisive approche : une star va éclore.

Un jeune faon sanglé de tweed. Ainsi paraît David Bowie en juin 1967 sur la pochette d'un album qui porte juste ce nom. Le joli garçon déjà photogénique a 20 ans, vient de se réinventer une première fois. Jusqu'ici, il était David Jones, un frêle « mod » cherchant sa place dans des groupes éphémères de rhythm'n'blues. Sous cette nouvelle marque, celle d'un fameux couteau (le bowie knife), il peine encore à trancher dans l'air du temps.

C'est la saison des fleurs à Londres, où règne le chatoyant Sgt. Pepper's des Beatles. Les miniatures pop composées et chantées par Bowie, accompagnées par sa douze-cordes et le son d'un groupe assez spartiate, ont un curieux goût de cabaret. Quinze ans avant son hommage à Baal, il est déjà brechtien. Acteur de sa musique autant que musicien.
« Nous pensions qu'il avait un avenir dans la comédie musicale », confie un peu plus tard l'éditeur des chansons de Bowie (il a notamment les Rolling Stones à son catalogue) à Tony Visconti. Le jeune producteur américain, débarquant en plein Swingin' London, est fasciné par ce gandin bizarre et stylé, qui voue la même passion au rock'n'roll de Little Richard, au jazz de Gerry Mulligan, à l'underground pop de Frank Zappa. Viré par sa maison de disques après des débuts en sourdine, Bowie s'initie à l'art du mime chez Lindsay Kemp et monte avec sa muse Hermione, danseuse de ballet, des groupes au parfum hippie et volatil : Turquoise, Feathers…

Ce Bowie-là est un touche-à-tout sans direction précise, un paon quelque peu évanescent qui pose en robe et se pare des couleurs et coutumes du moment. Il peut mimer l'invasion du Tibet par les Chinois sur une scène, et quelques mois plus tard parader en « homme arc-en-ciel » sur une autre, pour une soirée que Tony Visconti voit comme l'acte de naissance du glam rock, où le scintillement des étoffes répond à des tempos désormais plus électriques. On est alors en février 1970.

L'année précédente est sorti un nouvel album de David Bowie, dont on a tiré son premier succès, Space Oddity. Une ode de circonstance aux premiers pas de l'homme sur la Lune. Mais aussi une chanson complexe et majestueuse, dépassant le cadre folk-rock où s'inscrivent la plupart de ses créations. Bowie dut l'imposer à son producteur, qui n'y croyait pas. S'il n'a pas encore d'identité musicale forte, il a déjà du flair. Mais peine à refaire le coup avec le disque suivant, The Man who sold the world, en dépit du potentiel du morceau-titre (auquel Kurt Cobain rendra justice bien plus tard).
Hunky Dory, à la fin d'une année 1971 qui a vu s'envoler vers la gloire son camarade et rival Marc Bolan avec T-Rex, est le chant du cygne du « premier » David Bowie.

Précédant de quelques mois sa mutation décisive… A l'image du portrait impressionniste illustrant l'album, il exhale encore une fraîcheur indécise et frémit de la grâce des commencements. Pop exubérante, berceuse au nouveau-né, grande ballade narrative et quelques exercices d'admiration qui dessinent Bowie en fan transi avant qu'il ne devienne star à son tour : dans Song for Bob Dylan, Andy Warhol ou Queen Bitch (un pastiche de Lou Reed), il joue encore à être un autre, avec une délectation palpable. Et quand il recopie (Fill your heart, du comédien-chanteur américain Biff Rose), c'est avec élégance.

Après viendra le temps du contrôle et du pouvoir, ces drogues dures auxquelles un créateur ne s'adonne jamais sans dommage. Pour l'heure, ce David de 24 ans, les yeux vairons balayés par une longue mèche, batifole encore en falzar à pinces, cultivant une vague ressemblance avec Lauren Bacall. On ne sait plus ce qui chez lui est naturel ou composé : désinvolture dandy, accent cockney... Mais l'a-t-on jamais su ?

Source Télérama
1971. Séance photo pour la pochette de Hunky Dory, par Brian Ward. © Brian Ward / Sony

mardi 12 mars 2013

Billets-David Bowie : Un mutant



David Bowie : Un mutant

A l'occasion de la sortie de “The Next Day”, retour sur les métamorphoses et les audaces de Bowie, qui a toujours su bouleverser le cours et les codes du rock.
  
Neuf ans de réflexion. L'homme qui a su orchestrer ses multiples renaissances a géré avec brio son absence. De son vrai-faux adieu à la scène en 1973 à son éclipse subite, en juin 2004, pour raisons de santé, David Bowie a toujours su maîtriser son destin. Retiré d'une course qui a vu tant de ses contemporains frôler l'usure, la répétition, David Bowie a stoppé net la banalisation vers laquelle sa dernière trilogie d'albums l'entraînait.

Convalescent, mais surtout libre de ses mouvements, il s'est contenté d'observer les mutations artistiques et esthétiques, l'évolution économique d'une industrie qu'il a en partie anticipée (introduction de son catalogue, dont il détient tous les droits, en Bourse dès 1997). Pour constater qu'absent il demeurait très présent. Lui, dont l'art s'est abreuvé de tous les grands – reconnus ou obscurs – qui l'ont précédé, a vu son œuvre kaléidoscopique, impossible à réduire à un style puisqu'il les a presque tous abordés, imprégner les sillons et l'esprit, le style ou l'ambition des jeunes générations. Ils ont tous en eux quelque chose de David Bowie. La voix, la classe ou la présence en moins.
C'est bon de se sentir irremplaçable. Et désiré. Pas une année ne passe sans que bruissent les pires rumeurs sur les réseaux sociaux. Bowie, génie de la com, ne dit rien. Le tweet ne passera pas par lui. Il connaît la valeur de la rareté. Qui d'autre, à notoriété égale, aurait pu s'enfermer dans un studio new-yorkais pour graver un album dans le secret ? L'existence de The Next Day n'a été connue que le jour – le 8 janvier 2013, date de son 66e anniversaire – où Bowie l'a décidé. Et a créé un buzz inouï. Bowie manquait, assurément. Et, avec lui, cet espoir d'être désarçonné par un nouveau tour de passe-passe, une de ces réinventions dont il a le secret.

The Next Day ne peut égaler ses chefs-d'œuvre passés. Mais il n'a rien du disque de trop. Il témoigne de la vitalité d'un artiste toujours singulier. Un joli pied de nez, aussi. A l'heure où une exposition célébrant son œuvre va s'ouvrir à Londres, David Bowie refuse de se laisser muséifier. Il demeure vivant, imprévisible et fascinant.

Un artiste unique dans lequel on guette toujours la flamme de celui qui, pendant une décennie de folie, a su modifier à plusieurs reprises le cours et les codes du rock. Un homme de son et de vision que nous avons choisi de célébrer dans ses plus belles années. Ses débuts charmants, en quête d'identité ; sa réalisation à travers son invention de l'icône glam ultime ; et sa période de doute et d'angoisse, qui lui a inspiré ses plus grandes audaces musicales et artistiques.
  
Source Télérama
1973. Masayoshi Sukita photographie la star à New York. © Masayoshi Sukita

lundi 11 mars 2013

Billets-David Bowie: Un androgyne de génie


David Bowie: Un androgyne de génie

Plus fascinant que jamais, Bowie devance les modes. Le glam rock est moribond ? Il prépare déjà une nouvelle mue…

Septembre 1971. A peine le dernier titre de Hunky Dory bouclé en studio, David Bowie est pris d'une frénésie : les chansons de son disque suivant s'imposent déjà comme des évidences, à graver dans l'urgence. Cette intuition, Bowie la doit à Mick Ron­son, guitariste et arrangeur virtuose. La complicité trouvée avec ce timide alter ego ­venu ­­du Nord a donné des ailes au second couteau pop, déterminé à ravir la couronne glam à Marc Bolan.

« Five years, that's all we've got... » Cinq ans, c'est tout ce qu'il nous reste. La voix du chanteur se brise en hurlant le ­finale de ce qui est peut-être sa plus belle chanson. La plus atypique dans sa construction, la plus caractéristique d'un répertoire qui ne procédera désormais plus par imitation. Le titre, qui ouvre The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, l'album de la consécration, publié en juin 1972, marque le basculement d'un outsider, tâtonnant et joueur, en maître absolu de sa création. Sa voix, d'abord, aux mille intonations et expressions, fragile mais d'une justesse rare, n'appartient plus qu'à lui. L'enregistrement de Five Years, comme tant d'autres à venir, se fit en une prise, Bowie, littéralement en larmes, puisant au plus profond de son être ses mots cinglants et désespérés.

Jusqu'à Ziggy, Bowie se cherchait. En créant ce personnage de star extraterrestre, héritier de Vince Taylor, Iggy Pop et autres figures cultes de la mythologie rock, Bowie trouvait enfin qui il était : la créature rock ultime, flamboyant marginal triomphant jusque dans la mise en scène de sa mort programmée (Rock'n'roll Suicide), là où ses inspirateurs restaient maudits.

L'ère est encore aux cheveux longs ? Sur les conseils de sa femme, Angie, Bowie les coupe, comme pour souligner plus encore son androgynie. Blond pour la photo de pochette, il passe au rouge, pour mieux répondre aux couleurs vives de ses délirantes tenues japonaises. Bowie déclare à la presse qu'il « [est] gay, et l'[a] toujours été ». Le timing est parfait. Quinze ans après Presley, l'Anglais incarne à nouveau le trouble sexuel, l'interdit, la liberté. Ziggy Bowie devient l'idole dotée de toutes les vertus : le style, le physique, le costume, l'attitude et, plus que tous ses contemporains, les chansons.

Car plus rien n'arrête Bowie, qui se met à écrire des classiques à la vitesse de la lumière. Pour lui et les autres. All the young dudes sauve la carrière en chute libre de Mott the Hoople. Lou Reed et Iggy Pop sont aux abois ? Bowie les produit, généreux et pas fou : il ne perd jamais le contact avec ceux qui l'ont nourri. Car, si Bowie est un vampire, il demeure un fabuleux passeur, toujours prompt à citer ses sources. De Jean Genet (The Jean Genie) à George Orwell (1984 étant à l'origine de Diamond Dogs), il ouvre son jeune public à un monde infini de culture et de sous-culture.

Cet homme étrange, irréel, au corps si fin, au visage si fascinant, barré d'un éclair multicolore, devient le sésame vers une vie autre, plus belle, plus intéressante, plus sensuelle. Son rock dur, glam, concis, s'autorise un élégant grand écart entre music-hall et jazz. Et Pin Ups, disque de reprises, rend autant hommage aux encore sous-estimés pionniers sixties (Kinks, Pretty Things Syd Barrett...) qu'il inscrit Bowie dans leur directe lignée.

Les modes sont éphémères, Bowie les devance. Jusqu'à épuisement. Physique. Le glam rock est déjà moribond lorsqu'il boucle Diamond Dogs, en 1974. Une ultime ode rebelle (Rebel rebel) achève les années de folles extravagances. Entre décadence, déchéance et régénérescence, une nouvelle mue commence.

Source Télérama
(1973. Photo de Brian Duffy pour la pochette intérieure d'Aladdin Sane. © Duffy / Duffy Archive)

Billets-Stéphane Hessel



Stéphane Hessel

La mort de Stéphane Hessel, dans la nuit du 26 au 27 février, a donné lieu à une vague d'hommages à la mesure de l'admiration suscitée par cet homme toujours affable, résistant et indigné de ces temps de paix qui foulent au pied des populations de pauvres, d'exclus, de délaissés.

Une pétition intitulée : "L'indignation doit entrer au Panthéon" vient d'être lancée. "Le message de Stéphane Hessel – appel à l'indignation, refus de toutes les formes d'injustice – doit désormais faire partie de notre héritage commun", écrivent les signataires.

Dessin de Chappatte paru dans Le Temps

Source Courrier International

Billets-Le grand cirque électoral



Le grand cirque électoral

Mario Monti, chef du gouvernement sortant et apôtre d'une rigueur qui plaît plus à l'UE qu'aux électeurs, apparaît comme le grand perdant des élections législatives italiennes qui se sont déroulées les 24 et 25 février.

La coalition de gauche, menée par Pier Luigi Bersani, a remporté la majorité des sièges à la Chambre des députés. En revanche, la droite, menée par Berlusconi, s'est imposée au Sénat. Et dans les deux chambres, le "Mouvement 5 étoiles" de Beppe Grillo a réalisé des scores inattendus.

Le résultat, c'est une Italie "ingouvernable", comme ont titré de nombreux quotidiens. Cette perspective, dans un pays lourdement endetté, inquiète les bourses internationales.

Dessin de Kroll paru dans Le Soir

Source Courrier International

mardi 5 mars 2013

Recettes Desserts-Croquants aux noix



Croquants aux noix

Préparation : 10 mn
Cuisson : 30 mn
Pour 12 croquants
2 œufs
100 g de sucre en poudre
100 g de sucre vanillé
200 g de farine
200 g de cerneaux de noix hachés
Crème de lait ou crème fleurette
1. Préchauffez le four à 160° C (th. 5).
2. Cassez les œufs dans une terrine. Ajoutez le sucre et battez vivement le mélange. Lorsqu’il est bien homogène, incorporez la farine petit à petit, ainsi que les noix.
3. La pâte que vous obtenez est assez compacte et friable. Liez-la avec une cuillerée à soupe de crème. Elle doit être malléable, mais pas trop souple. Sinon, rajoutez une petite portion de mélange farine-noix hachées.
4. Etalez cette pâte au rouleau sur le plan de travail fariné, pas trop finement, et découpez-y à l’aide d’un verre ou d’un emporte-pièce des ronds de 5 à 7 cm de diamètre. Vous pouvez aussi détailler la pâte en languettes de la taille d’un doigt.
5. Rangez-les sur la tôle du four huilée et faites-les cuire pendant 30 minutes à chaleur douce. Décollez-les quand ils sont cuits et laissez-les refroidir complètement avant de les ranger. Ils se conservent plusieurs jours dans une boîte en métal fermant hermétiquement.

Cette friandise très courante se confectionne avec des noix mais également avec des noisettes ou même des graines d’anis.