vendredi 13 mars 2020

Infos santé : Sport et Santé-Opération du ligament croisé



Opération du ligament croisé

Vous avez été victime d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou. On vous a décrit l’intervention chirurgicale et les suites opératoires. Vous n’avez pas tout compris. C’est normal ! C’était un peu rapide !

Par Stéphane CASCUA avec la collaboration du docteur Nicolas LEFÈVRE, chirurgien du sport

Un ligament est une cordelette fibreuse qui relie deux os entre eux au niveau d’une articulation. Il guide et contrôle son mouvement… jusqu’au jour où l’amplitude dépasse les limites de son élasticité, et c’est l’entorse ! Le ligament se différencie du tendon qui accroche un muscle à un os pour transmettre sa force de contraction. Pour assumer sa mission, le second se doit d’être plus rigide. Retenez bien cette dernière notion. Elle n’est pas exclusivement destinée à votre culture générale. Elle vous sera bien utile pour comprendre vos suites opératoires. Votre chirurgien a remplacé votre ligament rompu par un tendon… Voilà qui aura quelques conséquences pratiques !
  • Ça s’est passé chez vous !
Le ligament croisé antérieur se situe au centre du genou. Il est «­antérieur» car il s’insère à l’avant du tibia, l’os de la jambe. Il va jusqu’à l’arrière du fémur, l’os de la cuisse. Il est «­croisé» car il croise sur son trajet son collègue, le ligament croisé postérieur. Il limite l’avancée du tibia. Il se met aussi en tension quand le genou tourne ou bascule. Vous pouvez vous rompre le «­croisé antérieur» lorsque vos spatules de ski s’écartent ou se croisent inexorablement. Il se déchire aussi quand votre genou pivote violemment à l’occasion d’un changement d’appui. Ce peut être le cas au foot quand vos crampons restent bloqués dans le gazon ou quand un adversaire vous tacle… maladroitement !
  • L’opération est-elle obligatoire ?
Le ligament croisé antérieur ne fait pas partie de la «­capsule­», le sac entourant l’articulation. Il est isolé au milieu du genou, avec son collègue, le «­croisé postérieur­». Quand il est totalement rompu, il ne bénéficie d’aucun soutien et tombe sur le tibia. Les deux extrémités ne sont plus en contact. La cicatrisation spontanée est impossible.


Illustration : Mathieu PINET

Cependant, vous avez entendu parler d’une guérison spontanée après rupture du croisé antérieur. C’est vrai ! Enfin, presque ! Le cas d’Anthony RÉVEILLÈRE, joueur de football à l’Olympique lyonnais, a défrayé la chronique. Le ligament peut avoir été victime d’une rupture partielle. Il est distendu mais reste continu. Il peut se réparer voire se retendre comme c’est le cas dans une banale entorse de cheville. Il est possible aussi que le croisé antérieur s’accroche lors de sa chute sur le croisé postérieur. Cicatrisé dans cette position anormale, il contribue parfois à limiter les mouvements anormaux du genou.


Illustration : Mathieu PINET

Quoi qu’il en soit, cette évolution n’est pas fréquente et ne permet que rarement d’obtenir un genou parfaitement stable, surtout si vous pratiquez intensément des disciplines avec des pivots et des contacts ! Néanmoins, si vous renoncez à ces activités pour ne pratiquer que des sports dans l’axe,  comme la course et le vélo, il est possible d’éviter l’intervention. Une rééducation intensive et une surveillance médicale s’imposent. Il faudra consulter si le genou se dérobe à nouveau… et envisager l’opération.
  • Heureusement, on a progressé !
Autrefois, on suturait les deux extrémités du ligament croisé. Malheureusement, elles étaient effilochées comme un morceau de bavette à l’échalote. Leurs vaisseaux sanguins étaient déchiquetés. La réparation ne pouvait pas tenir, la cicatrisation ne pouvait pas se produire. Le ligament mourait, se nécrosait. Par la suite, on a compris que c’était l’instabilité en rotation qui gênait le blessé. Le docteur LEMAIRE a mis au point une opération qui plaçait un tendon parallèlement au croisé antérieur mais en périphérie du genou. L’intervention était simple et le bras de levier du montage se montrait très efficace pour éviter les entorses en rotation. Malheureusement, les mouvements d’arrière en avant se poursuivaient insidieusement. Le genou frottait et s’usait, les ménisques s’abîmaient.
  • Il faut remplacer le ligament croisé !
Désormais, votre chirurgien prélève une portion de tendon à proximité de votre genou. Classiquement, il prend la partie centrale des cordelettes situées à la face interne du genou. Plus rarement, il utilise une bandelette récupérée sous la rotule. La première technique se nomme DIDT car les tendons sont ceux des muscles droit interne et demi-tendineux. La seconde s’appelle «­Kenneth-JONES­», du nom du chirurgien qui l’a inventée. Voilà qui explique ces termes barbares probablement présents sur votre compte rendu opératoire ou entendus de la bouche de votre chirurgien.


Illustration : Mathieu PINET

Pendant l’opération, il faut percer deux trous, l’un en bas du fémur, l’autre en haut du tibia. Tous deux arrivent dans l’articulation à l’endroit où s’accroche le croisé antérieur. Dans le premier tunnel, on fixe une des extrémités du tendon prélevé avec une vis. Puis, on le tire jusqu’au second trou. Avant de l’accrocher, on le tend avec précision pour assurer un maintien du genou dans toutes les positions. Cette intervention dure environ 1 heure, elle consiste à reconstruire un ligament, voilà pourquoi elle porte aussi le nom de «­ligamentoplastie­».
  • Reprenez votre vie quotidienne, faites de la kiné.
Vous restez environ trois jours hospitalisé. Vous n’avez pratiquement pas mal car les anesthésistes prennent en charge votre douleur. Pour marcher, vous utilisez des cannes pendant quelques jours. Souvent vous portez une attelle 3 à 6 semaines. Elle a pour objectif de protéger les points d’ancrage de votre nouveau ligament dans les tunnels osseux. De retour à votre domicile, vous effectuez de la kinésithérapie 3 à 5 fois par semaine. Il faut récupérer peu à peu de la mobilité articulaire, reprendre de la force musculaire et retrouver de la coordination. Votre arrêt de travail est de 1 à 3 mois. Sa durée est souvent conditionnée par votre aptitude à effectuer les trajets. Vous ne pourrez conduire aisément ou déambuler dans les transports en commun qu’au bout de 2 mois. La rééducation va se prolonger 6 à 8 mois. Heureusement, la pratique sportive s’y substituera progressivement !
  • Le sport fait partie de votre rééducation !
Une grosse blessure, c’est l’occasion de réaliser une excellente «­préparation physique généralisée». Vous allez revenir en pleine forme. Alors, courage ! La progression proposée ici correspond à l’évolution la plus fréquente. Bien sûr, elle varie selon chaque individu et les lésions associées à votre rupture du ligament croisé ; vous devez suivre les indications de votre chirurgien ! Dès votre retour à domicile, faites de la musculation des bras. Après 1­mois, faites du rameur en limitant la flexion de votre genou. Passé ce délai, il est possible de crawler. Mais, si nager est facile en centre de rééducation, dans une piscine traditionnelle, il faut passer le carrelage glissant… Attendez 2 mois et mettez votre attelle jusqu’au bord du bassin. À 2 mois, vous pouvez aussi pratiquer tranquillement le stepper et le vélo de salle. À 3 mois, il est possible de pédaler plus intensément. Simultanément, commencez à trottiner. Vers 4 mois débutent les vrais footings. À partir de 5 mois, accélérez et effectuez quelques déplacements latéraux et changements de direction. Attention, il s’agit de gestes programmés et «­anticipés» par votre cerveau ! Rien à voir avec le mouvement brutal et mal coordonné en réaction à la feinte d’un adversaire ! À 6 mois, les pratiquants de sports collectifs reprennent les entraînements techniques mais évitent les contacts. Ceux qui font des arts martiaux insistent sur les katas et s’interdisent les combats. Sept mois après l’intervention, vous pouvez vous entraîner à 100­%. Vers 8 mois, la compétition est envisageable. Il vous faut souvent encore 1 ou 2 mois pour retrouver tous vos automatismes et «­oublier» votre genou.
  • Ralentissez ! Ligamentisation en cours !
Votre chirurgien a remplacé votre ligament par un tendon. Le premier est légèrement élastique, le second plutôt rigide ! Les contraintes mécaniques progressives et typiquement ligamentaires vont stimuler l’adaptation et la transformation de ce transplant : c’est la « ligamentisation ». Mais, le processus est lent et semé d’embûches. Initialement, les globules blancs arrivent pour remodeler le nouveau venu. Il le fragilise ! Sa solidité est minimale vers 3 à 4 mois. Pas de chance, c’est le moment où vous vous sentez beaucoup mieux ! Vous avez des fourmis dans les pieds. Dans le jargon médical, on dit que «­vous allez trop bien» ! Prudence et patience s’imposent encore. La nature doit encore travailler pour reconstruire un vrai ligament ! De votre côté, il faut persévérer pour muscler, coordonner et contrôler plus précisément les mouvements de votre genou. En pratique, l’amélioration de la texture de votre transplant soutenue par vos aptitudes physiques accrues vous permet de reprendre les sports avec pivots et contacts après 6 et 8 mois. C’est déjà bien car la ligamentisation de votre tendon ne s’achève vraiment qu’1 à 3 ans après l’intervention.


Source SantéSportMag

1 commentaire:

  1. Merci pour ce texte. Je suis en plein dedans ! Ça donne un peu de courage !

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