lundi 3 décembre 2012

Billets-Ados, gonflette et dopage


Ados, gonflette et dopage

L'obsession du corps parfait n'épargne pas les garçons. De plus en plus de jeunes Américains cherchent à se sculpter un corps de rêve et sont prêts à y mettre le prix au détriment de leur santé.

Fsecart via FlickrCC Licence by

A l'âge de quinze ans, David Abusheik s'est mis à faire deux heures d'haltérophilie par jour, six jours par semaine. Aujourd'hui en terminale au lycée Fort Hamilton de Brooklyn [quartier de New York], il a ajouté à son régime des barres et des boissons protéinées afin d'augmenter sa masse musculaire sans prendre un poil de graisse. "Avant, je ne prenais aucun complément alimentaire, explique ce garçon de 18 ans qui se destine à une carrière d'ingénieur, mais je cherchais quelque chose qui m'aide à me muscler un peu plus vite."
Face à ces garçons qui mettent leur santé en danger pour essayer de se sculpter un corps à la Schwarzenegger, que seuls les gènes peuvent réellement conférer, les pédiatres ont commencé à tirer la sonnette d'alarme. Qu'ils passent des heures dans des salles de sport, dilapident leur argent de poche en compléments alimentaires hors de prix ou prennent le risque de s'essayer aux stéroïdes, les jeunes Américains semblent prêts à payer le prix fort pour obtenir le corps idéal.
Selon une étude publiée le 19 novembre par la revue Pediatrics, plus de 40 % de collégiens et lycéens affirment s'entraîner régulièrement dans le but d'augmenter leur masse musculaire, 38 % reconnaissent consommer des compléments alimentaires et près de 6 % admettent avoir essayé des substances anabolisantes. Fait plus significatif encore, 90 % des 1 307 garçons interrogés – qui vivent tous dans la région de Minneapolis-St Paul [Minnesota] mais sont représentatifs de ce qui, selon les médecins, serait un phénomène national – disent s'entraîner au moins une fois de temps en temps afin d'acquérir davantage de masse musculaire.

  • Les collégiens aussi se mettent au culturisme
Si le culturisme a depuis longtemps la faveur des étudiants à l'université, les pédiatres ont été surpris de constater que les collégiens s'efforcent eux aussi de développer leur musculature. Or leur jeune âge constitue un facteur de risque supplémentaire. Les médecins expliquent que, tout comme les jeunes filles qui comptent chaque calorie qu'elles absorbent afin de rester minces peuvent se faire plus de mal que de bien, les garçons à la recherche d'une image illusoire de virilité peuvent finir par retarder leur croissance, plus encore lorsqu'ils utilisent des compléments alimentaires – pire, des stéroïdes – pour accélérer les résultats.
"Les compléments alimentaires posent problème car contrairement aux médicaments, ils ne sont pas réglementés et il est donc très difficile de connaître leur composition exacte", explique le Dr Shalender Bashin, professeur de médecine de l'université de Boston et chef du service d'endocrinologie, diabète et nutrition du Centre médical de Boston. Ils contiennent parfois des stéroïdes anabolisants, et certains compléments protéinés, même s'ils sont de très bonne qualité, peuvent être dangereux lorsqu'ils sont consommés en grande quantité ou en remplacement des repas, souligne-t-il.
Les stéroïdes anabolisants sont particulièrement nocifs pour un corps qui n'est pas totalement formé, poursuit le Dr Bashin. En effet, "ils bloquent la production de testostérone chez les hommes", ce qui conduit à de graves problèmes de sevrage chez les adolescents en pleine croissance qui tentent d'arrêter d'en prendre. Pourtant, à force d'associer les stéroïdes à de grands sportifs comme Lance Armstrong, on ancre l'idée selon laquelle les produits dopants peuvent être gérés avec succès.

  • Des jeunes musclés en photo sur les réseaux sociaux
Internet fourmille de forums de culturisme sur lesquels des gamins à peine sortis de la puberté discutent de programmes d'haltérophilie, de proportion de masse graisseuse et évaluent mutuellement leurs progrès. Des adolescents publient également sur les réseaux sociaux Tumblr et Facebook des images d'athlètes tout en muscles sous les termes de "fitspo" ou "fitspiration", contraction de "fitness inspiration".
Le jeune David Abusheikh a ainsi rempli sa page Facebook de photos de lui torse nu exhibant ses pectoraux. Cette année, le concours de culturisme de son lycée a atteint un record de participation, attirant 30 élèves. "Ils nous posent toutes sortes de questions", confie Peter Riviera, professeur d'éducation physique au lycée Fort Hamilton qui contribue à superviser le concours. "Comment puis-je perdre du poids ? Comment faire pour me muscler ? Combien de fois par semaine dois-je m'entraîner ?"
Par rapport au mode de vie sédentaire des accros aux jeux vidéo ou de la télé, on ne peut pas véritablement considérer cette obsession pour l'exercice physique comme un danger pour la santé. Les enseignants comme M. Rivera assurent d'ailleurs que la plupart des adolescents sont avides de conseils sur les méthodes les plus saines pour se muscler sans recourir à des substances dopantes. Mais, dans la mesure où l'on en sait si peu sur les compléments alimentaires, il peut s'avérer difficile, surtout pour des adolescents, de prendre de bonnes décisions.
David Abushiekh, qui mesure 1,52 m pour 56 kilos, assure qu'il ne touche pas aux stéroïdes et qu'il préférerait ne pas avoir recours aux compléments alimentaires. Mais, du fait de sa petite taille, il lui fallait gagner en masse musculaire pour participer au concours de culturisme de son lycée. "Mon objectif premier est de faire des études d'ingénieur, dit-il, mais si, pour une raison ou une autre, je n'y arrive pas, je me dis que je pourrais toujours devenir coach personnel."


 Source Courrier International

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